James Mwangi : « Equity peut devenir la première banque de RDC d’ici 2021 »

Face aux exigences de l’après-Covid, le patron historique du groupe panafricain adapte sa stratégie, au cœur de laquelle se trouve la RDC, future filiale phare du réseau.

James Mwangi, dirigeant d’Equity Group, à Nairobi, le 22 août 2016. © Riccardo Gangale/Bloomberg via Getty Images

James Mwangi, dirigeant d’Equity Group, à Nairobi, le 22 août 2016. © Riccardo Gangale/Bloomberg via Getty Images

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Publié le 2 novembre 2020 Lecture : 5 minutes.

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À 58 ans, James Mwangi va bientôt entrer dans la dernière partie de sa carrière au sein du leader du secteur bancaire kényan. D’ici à deux ans, il a prévu de quitter son poste de directeur général d’Equity Bank et de prendre la présidence de sa fondation. En trente ans, il aura gravi un à un les échelons d’un groupe qui, aujourd’hui, compte 14 millions de clients et est entré de plain-pied dans l’ère du numérique, accordant de plus en plus de place à l’intelligence artificielle dans ses process.

Pour Jeune Afrique, il livre son analyse des défis que poseront les mois à venir pour des économies africaines bouleversées par la pandémie de Covid-19. Mais il reste optimiste, estimant qu’Equity Bank possède des fondations solides qui lui permettront de sortir renforcé de cette période difficile.

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Jeune Afrique : Cette crise frappe de plein fouet les économies du continent. Quel est son impact sur les résultats d’Equity Bank ? Et qu’anticipez-vous pour l’année à venir ?

James Mwangi : Le résultat financier d’Equity n’est plus notre principale préoccupation. Le plus important est, à l’heure actuelle, de veiller à la sécurité des clients, en particulier à ce que les protocoles sanitaires soient respectés. Nous sommes en train de reconfigurer tout l’environnement bancaire.

Nous avons pris conscience que la reconnaissance faciale devient elle aussi un problème car on ne peut pas demander à quelqu’un de retirer son masque. Nous avons donc opté pour la biométrie en permettant à nos clients d’activer des opérations à partir de leur téléphone. Même des choses aussi élémentaires que les files d’attente ont commencé à nous poser des problèmes. La meilleure chose à faire pour Equity est de s’adapter à ces exigences et d’aider nos clients à se remettre du choc.

Comment agissez-vous ?

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Par exemple, en différant le remboursement de crédits pour les établissements privés. Ces derniers ont beau être fermés, car l’année a été déclarée perdue par le gouvernement, ils doivent malgré tout payer leurs enseignants, alors que les parents n’ont pas versé les frais de scolarité. Grâce à cette mesure, les écoles et les enseignants, qui ont eux aussi des prêts chez nous, vont pouvoir traverser cette crise.

Nos provisions ont été multipliées par 15 jusqu’en juin pour prendre en compte le risque accru de défaut

Cela a obligé Equity à emprunter pour combler ce choc de trésorerie et à faire des provisions sur les prêts concédés, car nous ne savons pas si les écoles rouvriront. Il ne s’agit donc pas seulement de nos profits mais aussi de la survie de nos clients. Et cela devient une aventure assez coûteuse, lorsqu’il s’agit de prendre soin de 14 millions de clients. C’est pour cette raison que nous avons demandé à nos actionnaires de renoncer à 100 millions de dollars de dividendes cette année. C’est le modèle tout entier qui a été remis en question.

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Donc, concernant notre résultat, sur la période de janvier à juin, nous avons perdu 24 % de bénéfices après impôts. Nous avons dû supprimer les frais de transaction sur la plateforme mobile pour inciter les gens à l’utiliser et ne pas pénaliser ceux qui ont de faibles revenus. Cela représente 2 millions de dollars par mois, et cette seule décision a fait baisser nos revenus hors crédit de 3 % au cours du premier semestre.

Sur notre portefeuille de crédits, nos provisions ont été multipliées par 15 jusqu’en juin pour prendre en compte le risque accru de défaut. Toutes les mesures prises ont pour but de protéger nos clients contre les chocs entraînés par les politiques (confinement des populations de Nairobi et de Mombasa, arrêt des usines…) appliquées pour contenir la propagation du virus. Nous sommes les mieux placés pour atténuer les secousses subies par les entreprises. Si les entreprises ferment, notre situation empirera encore car elles ne pourront pas rembourser leurs crédits.

Est-ce qu’Equity Group va devoir recourir à une augmentation de capital si la récession économique se poursuit ?

Sur les résultats des six premiers mois, nos revenus bruts ont augmenté d’environ 17 %, ce qui montre que la dynamique est toujours là. Le groupe a réussi à réduire ses coûts, nous donnant plus de latitude.

La non-distribution des dividendes a fait grimper nos fonds propres au-dessus de 20 % [du total de leur bilan], quand le minimum légal requis est de 14 %. Cette importante marge de manœuvre nous a permis d’emprunter et d’être optimiste sur notre capacité à surmonter cette crise – dont nous pensons qu’elle durera deux ou trois ans –, sans avoir besoin de lever des capitaux.

En RDC, où vous avez acheté, en 2015, ProCredit, ainsi que la Banque commerciale du Congo (BCDC) en 2019, vous voulez mettre en place un modèle qui s’adresse à la fois au bas de la pyramide et aux grands comptes, pouvez-vous nous l’expliquer ?

En trente ans, nous sommes devenus peut-être la banque la plus inclusive du monde. Nous avons commencé avec un million de personnes dans les camps de réfugiés, pour lesquelles nous effectuions les transferts sociaux en provenance de l’ONU et du gouvernement. Puis, au fil des ans, nous avons permis à beaucoup d’obtenir des diplômes, à certains de créer des entreprises. Cela nous a appris qu’un modèle bancaire inclusif est possible si l’on est capable de bien segmenter les clients et que, pour chaque segment, on fournit les produits appropriés.

Le siège de la BCDC (Banque Centrale du Congo) à Lubumbashi, capitale de la province minière du Katanga, en République démocratique du Congo, le 24 février 2015. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

Le siège de la BCDC (Banque Centrale du Congo) à Lubumbashi, capitale de la province minière du Katanga, en République démocratique du Congo, le 24 février 2015. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique

Equity Congo peut devenir, d’ici à la fin de l’année, la plus importante banque de RD Congo

C’est notre ambition en RDC avec BCDC, qui existe depuis cent onze ans et n’a que 200 000 clients (à hauts revenus) dans le secteur minier ; et avec ProCredit – et son million de clients – que nous avons orienté vers les particuliers et les toutes petites entreprises. L’idée est de fusionner les deux et de dire aux entreprises minières : « envoyez-nous vos salariés et vos contractants ».

Nous pensons qu’Equity Congo peut devenir, d’ici à la fin de l’année, la plus importante banque de RDC et, d’ici à cinq ans, plus importante qu’Equity au Kenya. En 2015, quand nous avons acheté ProCredit, la banque avait un bilan de 150 millions de dollars, il est désormais de 900 millions de dollars. Et le potentiel de BCDC est encore plus grand. À cela, il faut ajouter le dynamisme de la RDCo, renforcé par la transition politique en cours et l’intérêt renouvelé de la communauté internationale.

Après avoir envisagé en 2020 de vous implanter au Rwanda, en Tanzanie, en Zambie et au Mozambique, vous avez préféré vous concentrer sur l’acquisition de la BCDC en RDC. Pourquoi ?

Vous faites référence à l’acquisition un temps envisagée des filiales d’Atlas Mara. Quand vous considérez notre acquisition en RD Congo, sa valeur est plus importante que les quatre autres réunies. Se focaliser sur un pays était plus simple. Par ailleurs, la qualité des actifs d’Atlas Mara n’était pas aussi bonne, et les économies dans lesquelles ces banques évoluent sont moins porteuses. Enfin, nous n’étions pas capables d’anticiper l’impact du Covid sur ces opérations.

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