Loin derrière la Côte d’Ivoire ou le Ghana, le Gabon relance sa filière cacao
Alors que la production de fèves de cacao a été divisée par 120 depuis 1970, les autorités gabonaises s’emploient à redynamiser le secteur. Décryptage.
Gabon : retour aux fondamentaux
À l’heure où l’économie est fragilisée par la crise du Covid-19, le président Ali Bongo Ondimba ne veut plus protéger une classe politique qu’il a promue et qu’il juge peu soucieuse de l’intérêt du pays.
Des kits agricoles, composés entre autres de pulvérisateurs et de pesticides, sont remis à des coopératives du programme « Jeunes entrepreneurs café-cacao (Jecca) » dans les provinces du Haut-Ogooué et de l’Ogooué-Lolo, du 16 au 21 novembre. Le raout fortement médiatisé illustre la redynamisation de la filière cacao et café.
« Ça va désormais aller très vite grâce aux campagnes menées par le ministère. Les gens commencent aussi à prendre conscience des retombées que le cacao peut générer », témoigne Julie Nyangui. Égérie de la filière grâce aux « Chocolats de Julie », dont la majeure partie de la matière première provient de ses 10 hectares de cacaoyers dans la province de l’Estuaire, elle symbolise ce retour en grâce de l’or brun voulu par les autorités gabonaises.
Pour diversifier son économie, le Gabon a décidé de relancer son agriculture, en mettant en valeur une partie de ses 5,2 millions d’hectares de terres arables encore sous-exploitées. L’or brun, qui fait vivre environ 3 000 cultivateurs, est l’une des filières choisies.
Entre 1970 et 2015, la production de cacao du pays, fragilisée par la fluctuation des cours mondiaux et sans soutien des gouvernements successifs, a presque été divisée par 120, passant de plus de 6 000 tonnes à seulement 53 tonnes.
Objectif 3 000 tonnes d’ici cinq ans
L’an dernier, elle était remontée à 109 tonnes avant de retomber à 53 tonnes cette année en raison des mesures sanitaires prises pour lutter contre le Covid-19. Mais dès l’an prochain, le pays vise une production de 250 tonnes, et de 3 000 tonnes dans les cinq ans.
La direction générale des caisses de stabilisation et de péréquation au Gabon (DGCSP), plus connue sous le nom de Caistab, est devenue le bras armé du gouvernement pour sortir la filière cacao-café de l’ornière.
« Grâce aux subventions à la production et à la commercialisation que l’état met à sa disposition, la Caistab supporte les charges inhérentes à la production par la diffusion du matériel végétal gratuit et l’encadrement des planteurs. Elle a le monopole de l’achat du cacao à un prix rémunérateur aux planteurs (1 000 F CFA bord champ cette année, soit 1,51 euro), stabilise les prix et assure le transport et le conditionnement afin de garantir une qualité optimale des produits », égrène son directeur général, Thierry Prosper Mboutsou.
Les casse-tête du financement et de l’accès au foncier
Depuis son lancement, il y a trois ans, le projet Jecca a permis la création de 409 hectares de cacaoyers. L’objectif est de planter 1 000 hectares de cacaoyers d’ici à 2025 pour éviter l’exode rural de 1 000 jeunes.
« La particularité technique de ce programme est l’intégration des associations de cultures, permettant aux bénéficiaires de diversifier les sources de revenus et de profiter des revenus des cultures à cycle court en attendant la première récolte du cacao et du café », dit Thierry Prosper Mboutsou.
Pour cela, il faut lever certains obstacles. « Le principal défi est l’accès au foncier. Malheureusement, la bonne volonté du ministre de l’Agriculture est bloquée par des collaborateurs qui mettent toutes sortes de freins », peste Julie Nyangui, qui en a fait l’amère expérience.
Le financement est un autre casse-tête. « Les banques ont du mal à suivre, en dépit des garanties offertes, notamment sur le foncier », ajoute l’entrepreneuse. Des équations certes difficiles, mais qui ne comportent pas d’inconnues.
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