Angola : à quand la sortie de la récession ?

Trois ans après son élection, João Lourenço, « l’homme du changement », peine à convaincre. En 2020, l’Angola a enregistré sa cinquième année consécutive de récession.

Baie de Luanda. © JOAO SILVA/NYT/REA

Baie de Luanda. © JOAO SILVA/NYT/REA

ESTELLE-MAUSSION_2024

Publié le 24 janvier 2021 Lecture : 3 minutes.

La pression qui pèse sur les épaules du président angolais, João Lourenço, ne va pas en diminuant. Alors qu’il ne lui reste plus que deux ans avant les prochaines élections générales, en 2022, le successeur de José Eduardo dos Santos, élu en 2017 sur la promesse d’être l’homme du changement, peine à convaincre.

À sa décharge, il doit composer avec une situation extrêmement difficile, qui mêle crise économique et sanitaire, mécontentement social inédit et tensions politiques exacerbées au sein de son camp, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA).

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Tous les indicateurs sont dans le rouge. En 2020, l’Angola, deuxième producteur de pétrole du continent derrière le Nigeria, a enregistré sa cinquième année consécutive de récession (– 4 %). À la crise provoquée par la chute du prix de l’or noir depuis la mi-2014 s’est ajoutée la pandémie de Covid-19. Résultat, l’inflation s’envole (21 % en 2020), la monnaie nationale (le kwanza) dévisse, le chômage bondit (officiellement à 34 %) et l’endettement public se creuse (à 123 % du PIB à la fin de 2020).

Une croisade anticorruption qui a fait long feu

En parallèle, la stratégie de rupture, incarnée par la croisade anticorruption, a fait long feu. Certes, elle a permis de réaliser des coups : le gel préventif des avoirs d’Isabel dos Santos, la fille de l’ancien président, à la fin de 2019 en Angola et au début de 2020 au Portugal ; la condamnation du fils de l’ex-chef de l’État, José Filomeno dos Santos, à cinq ans de prison pour fraude, blanchiment d’argent et trafic d’influence, en août (un recours a été déposé) ; la récupération d’actifs auprès d’anciens très proches de José Eduardo dos Santos, les généraux Dino (Leopoldino Fragoso do Nascimento) et Kopelipa (Manuel Hélder Vieira Dias), en octobre.

Mais ces victoires médiatiques ne cachent pas la faiblesse d’une lutte contre la corruption, qui apparaît de plus en plus sélective. Le maintien à son poste du directeur de cabinet du président, Edeltrudes Costa, soupçonné de conflit d’intérêts et d’enrichissement à travers l’obtention de contrats publics, a déclenché critiques de l’opposition et manifestations de jeunes – réprimées par la police.

Une affaire qui fait écho au cas Manuel Vicente, l’ancien vice-président de dos Santos resté proche de Lourenço et bénéficiant d’une immunité jusqu’en 2022.

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Une si lourde dette chinoise

La première des tâches de Lourenço pour cette année sera de regagner la confiance des Angolais, désenchantés après l’espoir suscité par son élection. Pour certains observateurs, l’enjeu est bien d’éviter une explosion sociale. Des signaux forts pourraient être envoyés.

Sur le plan politique, il s’agirait, enfin, de fixer une date pour la tenue des premières élections municipales de l’histoire du pays, maintes fois reportée par dos Santos et promise par Lourenço. Sur le plan social, la présidence aurait intérêt à repenser sa réponse policière et judiciaire à la grogne tout en garantissant une réelle liberté de parole dans les médias.

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C’est toutefois sur le volet économique que la bataille sera le plus rude, en particulier sur la gestion de la dette. Si l’Angola va bénéficier du moratoire accordé par les pays occidentaux du G20 jusqu’en juin, le pays doit encore négocier avec la Chine, son principal créancier. Selon la ministre des Finances, Vera Daves, un allègement de 6 milliards de dollars sur les échéances dues jusqu’en 2023 est envisagé. Mais l’ardoise auprès de Pékin est estimée à 20 milliards…

Un président bien seul

Ce fardeau de l’endettement en plus de la crise économique et sanitaire compliquent l’avancée des réformes, pourtant nombreuses, lancées par Lourenço. La diversification de l’économie tant attendue devrait encore patiner alors que le gouvernement prévoit une croissance nulle pour cette année et lutte pour maintenir le niveau de la production pétrolière et les recettes qui y sont associées.

Surtout, la série de privatisations annoncées, qui devrait permettre l’arrivée de nouveaux acteurs étrangers et l’émergence d’opérateurs nationaux solides, risque de tourner à la braderie.

Dans un tel contexte, « JLo » a besoin d’alliés. Or, malgré le soutien réaffirmé des bailleurs de fonds internationaux, le président semble bien seul. La multiplication des exonérations dans son administration montre qu’il y cherche encore des relais fiables.

Les tensions accrues au sein du MPLA témoignent de la réticence à embarquer dans un mode de gouvernance plus transparent. Le dialogue constructif avec l’opposition reste impossible. Pour sortir de l’impasse, Lourenço, pur produit de l’ancien système, n’a pas d’autre choix que de trancher entre continuité ou rupture.

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