Sécurité : comment Total protège son mégaprojet mozambicain à 15 milliards de dollars [3/3]
Malgré l’insurrection armée qui sévit depuis 2017 au Mozambique, Total entend bien y poursuivre son mégaprojet gazier. Et fait confiance aux autorités pour en assurer la sécurité, moyennant une solide contribution financière.
Depuis 2017, une insurrection armée vise le pouvoir central de Maputo dans la province du Cabo Delgado, au large de laquelle ont été effectuées la plupart des grandes découvertes gazières ces dernières années. L’insurrection est menée par al-Shabab, groupe qui a prêté allégeance à l’État islamique en 2019 et multiplie les attaques contre les autorités dans cette région à majorité musulmane.
Le 12 août, la ville côtière de Mocimboa da Praia est même temporairement tombée entre leurs mains, après d’intenses combats contre l’armée régulière. Ce port, utilisé par les groupes pétroliers et leurs sous-traitants, se trouve à 80 kilomètres dans le sud de la péninsule d’Afungi, qui abrite les installations du projet de liquéfaction de gaz naturel – Mozambique GNL –, mené par Total, qui l’a repris à Anadarko en septembre 2019.
Malgré les réductions budgétaires liées à la pandémie, Patrick Pouyanné, le patron du géant pétrolier, fait de ce mégaprojet une priorité et a bouclé un financement de 14,9 milliards de dollars en juillet 2020 pour le réaliser : avec des réserves estimées à 65 TCF (milliers de milliards de pieds cubes), le site devrait produire chaque année 13,1 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) pendant au moins vingt-cinq ans grâce à l’exploitation de deux champs offshore et à la construction de deux trains de liquéfaction installés à terre.
Total ne fait pas appel à des compagnies privées de sécurité armée
Mozambique LNG doit permettre à Total d’augmenter considérablement la part gazière de sa production d’hydrocarbures sur le continent, plutôt faible actuellement – autour de 25 % –, et lui permettre de profiter d’un marché asiatique du GNL dynamique, accessible depuis l’est du continent.
« Les questions sécuritaires sont discutées avec les autorités, notamment les ministères de la Défense, de l’Intérieur et de l’Énergie. Total ne fait pas appel à des compagnies privées de sécurité armée », explique Nicolas Terraz, le patron Afrique subsaharienne de la branche exploration-production, qui suit quotidiennement la situation au Cabo Delgado, et qui affirme que le site est actuellement sûr.
En dépit de la menace des groupes armés, mais aussi du Covid-19, qui impose des mesures sanitaires drastiques, pas moins de 5 000 personnes, des Mozambicains pour 80 % d’entre elles, travaillaient sur le site d’Afungi en décembre 2020. À terme, au pic d’activité du projet prévu en 2022, près de 15 000 personnes y seront à pied d’œuvre.
Des effectifs de sécurité revus à la hausse
Après l’attaque de Mocimboa da Praia, Total et Maputo ont annoncé le 25 août avoir musclé leur accord de protection des installations gazières dans cette région politiquement sensible, qui intègre aussi le projet Rovuma LNG, mené par Eni et Exxon. Une première version de cet accord avait été signée le 1er mars 2019 par Anadarko.
La nouvelle mouture prévoit une augmentation de la contribution financière de Total versée aux autorités, en échange d’une meilleure protection de ses infrastructures du projet par la Joint Task Force du Cabo Delgado, dont les effectifs auraient été revus à la hausse après l’attaque du 12 août, de 500 à quelque 3 000 hommes selon plusieurs sources contactées par JA.
« Mozambique LNG apporte un soutien logistique aux forces publiques de sécurité affectées à la protection des activités des projets, sous la forme de mise à disposition de véhicules, de logements et d’alimentation. Les opérateurs versent au ministère de la Défense, dans le cadre de cet accord, une compensation pour les missions de protection assurées sur le site d’Afungi », indiquait Total au moment de la signature de l’accord.
Plusieurs contrats avec des sociétés privées
« Chaque militaire ou policier mozambicain affecté à la protection du site reçoit une formation aux VPSHR (Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme). Total est particulièrement vigilant à la bonne application de ces principes, et ce sujet est évoqué régulièrement avec les autorités », indique Nicolas Terraz.
Total travaille également avec plusieurs entreprises privées de sûreté, dont les personnels ne sont pas armés. En août, le groupe avait, au Mozambique, des contrats avec les sociétés de conseil en sécurité britanniques Blue Montain et Control Risks, ainsi qu’avec les géants mondiaux du gardiennage Garda World (canadien) et G4S (britannique), et le mozambicain Arkhe Risk Solutions.
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