Vaccins : « Bâtir la souveraineté sanitaire de l’Afrique est un objectif essentiel »

À l’heure actuelle, le continent importe 96 % de ses médicaments et 99 % de ses vaccins. Une situation à laquelle il faut à tout prix remédier, selon Chrysoula Zacharopoulou, députée européenne et coprésidente de l’initiative Covax.

Chrysoula Zacharopoulou réalisant elle-même des injections au centre de santé de Mayange, au Rwanda, en mars 2021. © Plaisir Mutegeye.

Chrysoula Zacharopoulou réalisant elle-même des injections au centre de santé de Mayange, au Rwanda, en mars 2021. © Plaisir Mutegeye.

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Publié le 12 février 2022 Lecture : 3 minutes.

Sommet UA-UE de 2017 à Abidjan © ISSOUF SANOGO/AFP
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Afrique-Europe : enfin d’égal à égal ?

Initialement prévu en 2020, le 6e sommet Afrique-Europe se tient les 17 et 18 février à Bruxelles. L’occasion pour les dirigeants de l’Union européenne et de l’Union africaine de tirer un trait sur une asymétrie qu’ils assurent vouloir laisser derrière eux ?

Sommaire

Jeune Afrique : Comment fonctionne l’initiative Covax et quelle est l’implication exacte de l’Union européenne ?

Chrysoula Zacharopoulou : Covax est un mécanisme de répartition équitable des vaccins à l’échelle mondiale. Le système monte en puissance. Agissant comme une centrale d’achat et de redistribution, il a d’ores et déjà permis la livraison d’un milliard de doses à 144 pays.

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L’OMS et l’Union européenne – qui y a contribué à hauteur de plus de trois milliards d’euros – ont créé ce mécanisme pour s’assurer que tous les pays, même les plus pauvres, auraient accès à la vaccination. S’il n’avait pas été mis en place, la situation aurait été bien pire et les États les plus pauvres auraient eu encore moins accès aux doses disponibles.

Quels sont les résultats de ce mécanisme en Afrique ?

Les livraisons s’accélèrent. L’enjeu est de poursuivre cette montée en puissance, afin de résorber l’écart de vaccination entre la région et les autres continents. Malheureusement, malgré nos efforts, nous sommes encore loin de nos objectifs. Le taux de vaccination reste en effet très faible sur place : de l’ordre de 10 % de la population actuellement.

Il faut dire que l’initiative Covax a rencontré des obstacles. Les capacités de production à l’échelle mondiale étaient, dans un premier temps, insuffisantes, et le programme s’est principalement appuyé sur un fournisseur – le Serum Institute of India –, qui a dû interrompre ses exportations lorsque l’Inde a connu une très forte vague épidémique. C’est donc au compte-gouttes que l’Afrique a reçu des doses.

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Pour surmonter ce blocage, l’UE a initié des dons et, dès le mois de février 2021, le président français a appelé les pays riches à offrir 13 millions de doses afin de protéger les 6,5 millions de soignants africains.

Depuis lors, l’Europe s’est engagée à faire don de 700 millions de doses d’ici mi-2022, soit bilatéralement, soit via le programme Covax.

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Qu’est-ce que la pandémie nous a enseigné en matière de coopération multilatérale ?

Cette crise nous a appris que les défis communs – sanitaires, écologiques, sécuritaires – doivent faire l’objet d’une réponse conjointe. Notre partenariat avec l’Afrique est une chance. Les Européens doivent se rendre compte que le multilatéralisme est dans l’intérêt de tous.

Les leçons tirées de cet épisode doivent guider la forme future de notre partenariat avec le continent africain. À n’en pas douter, le prochain sommet UE-UA marquera l’ouverture d’un nouveau chapitre dans ce domaine.

Quels sont, selon vous, les principaux enjeux sanitaires à traiter lors de ce sommet ?

La pandémie a exposé l’intenable dépendance de l’Afrique à ce niveau, qu’il s’agisse de masques, de diagnostics ou de vaccins. Le continent importe 96 % de ses médicaments et 99 % de ses vaccins. Il va de soi que le renforcement de ses capacités de production doit être une priorité.

L’Europe va allouer un milliard d’euros pour soutenir la production de doses directement sur le sol africain, et contribuer ainsi à bâtir la souveraineté sanitaire du continent. Une souveraineté destinée à dépasser le cadre de la pandémie actuelle.

Bruxelles doit rester le partenaire de référence du continent concernant les questions de santé, tout en s’appuyant sur les solutions locales afin d’apporter une réponse appropriée aux spécificités de la zone.

Développer la coopération scientifique est un autre objectif important. Nous devons passer du narratif de l’aide au développement à celui de la construction d’un avenir partagé, où la santé et l’éducation seront au cœur de la relation entre nos continents.

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