Afrique-Europe : le plan à 150 milliards d’euros de l’UE pour tenir sa place sur le continent

En visite au Sénégal et reçue par Macky Sall, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait la promotion du nouveau plan européen « Global Gateway ». Le bon moyen de concurrencer la Chine et ses « routes de la soie » ?

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Publié le 11 février 2022 Lecture : 4 minutes.

Sommet UA-UE de 2017 à Abidjan © ISSOUF SANOGO/AFP
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Afrique-Europe : enfin d’égal à égal ?

Initialement prévu en 2020, le 6e sommet Afrique-Europe se tient les 17 et 18 février à Bruxelles. L’occasion pour les dirigeants de l’Union européenne et de l’Union africaine de tirer un trait sur une asymétrie qu’ils assurent vouloir laisser derrière eux ?

Sommaire

La préparation du sommet Europe-Afrique des 17 et 18 février à Bruxelles bat son plein. Tout comme la bataille d’influence sur le continent. La preuve avec la venue, le 10 février à Dakar au Sénégal, de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans le but de promouvoir le nouveau plan de l’Union européenne (UE), baptisé « Global Gateway », à destination des pays en développement et notamment de l’Afrique.

Aux côtés du président sénégalais Macky Sall, qui vient de prendre la présidence de l’Union africaine (UA) pour un an, Ursula von der Leyen a annoncé un programme Afrique – Europe de « plus de 150 milliards d’euros ». « Pour tout cela, nous avons bien sûr besoin du secteur privé, de son expertise et de son fort investissement, nous avons aussi besoin de volontarisme politique au plus haut niveau », a-t-elle déclaré, faisant la promotion d’un plan dévoilé le 1er décembre 2021.

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Plans chinois et américains

L’initiative européenne, destinée à mobiliser au total 300 milliards d’euros, d’origine public et privé, d’ici à 2027, intervient dans un contexte concurrentiel. Après la Chine et sa Belt and Road Initiative (BRI) lancée depuis 2013, les États-Unis ont, le 5 octobre 2021, commencé à lever le voile sur leur projet Blue Dot Network (BDN). L’initiative Global Gateway entend répondre au déficit d’investissement dans les infrastructures mondiales, estimée par les experts de l’UE à 1 300 milliards d’euros par an sur les dix prochaines années.

Il existe des doutes sur le fait qu’une partie des montants promis par Bruxelles ne font que recycler des financements déjà accordés précédemment par l’UE

L’origine des fonds doit provenir des ressources propres de l’Union et de ses institutions financières – la Banque européenne d’investissements (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) – ainsi que des 27 pays membres et leurs institutions nationales de développement respectives, le tout regroupé sous l’appellation Team Europa et complété selon les cas par les contributions du secteur privé européen.

En cinq ans, l’UE prévoit donc de mettre sur la table une somme deux fois supérieure aux 140 milliards de dollars officiellement investis par les Chinois en près d’une décennie, alors que les Américains n’ont toujours pas véritablement chiffré leur BDN. « Il existe des doutes sur le fait qu’une partie des montants promis par Bruxelles ne font que recycler des financements déjà accordés précédemment par l’UE », craint un proche conseiller auprès de la présidence de l’Union africaine (UA).

Fibre optique, transport et énergie propre

Le plus important selon la même personne, « reste que l’Afrique puisse disposer des infrastructures dont elle a besoin » et en la matière, la Commission s’engage à promouvoir les meilleures pratiques. Destinée à répondre au manque d’équipements constaté, en Afrique et ailleurs, dans les secteurs numériques, climatiques, énergétiques, dans les transports, la santé, l’éducation ou encore la recherche, Global Gateway veut se concentrer sur la réalisation d’infrastructures physiques de qualité – câbles en fibre optique, corridors de transport, réseaux d’énergie propre.

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Mais l’UE entend le faire dans le respect des normes sociales et environnementales les plus élevées, conformément à ses valeurs démocratiques et en suivant les meilleurs standards internationaux. Bruxelles souhaite également garantir les conditions de concurrence les plus équitables lors des différents appels d’offres, tout en se concentrant sur des projets soutenant un développement durable des pays récepteurs sans provoquer leur endettement massif. « Nos projets seront mis en œuvre avec un haut niveau de transparence, de bonne gouvernance et de qualité », a résumé Ursula von der Leyen lors de la présentation de l’initiative européenne. Comme pour mieux la démarquer de sa concurrente chinoise.

Bruxelles étudie également la possibilité de créer un système européen de crédit à l’exportation

L’UE souhaite par ailleurs travailler à la mise en place d’un environnement propice aux investissements, en offrant des conditions commerciales favorables aux entreprises, tout en accélérant la convergence réglementaire des pays où l’argent européen sera investi, ainsi que leur intégration dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et auprès des services financiers internationaux.

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Absence de concertation

Pour compléter l’architecture de Global Gateway, Bruxelles étudie également la possibilité de créer un système européen de crédit à l’exportation pour compléter les accords déjà existants en la matière au niveau des états membres, tout en garantissant des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes souvent opposées sur les marchés tiers à des adversaires subventionnés par leurs gouvernements.

La Commission souhaite enfin mettre en place, à court terme, un comité consultatif chargé de définir les grandes orientations de la stratégie, ainsi que sa mise en œuvre, pendant que les projets seront sélectionnés par la Team Europa, auxquels seront associées les entreprises européennes. Dans sa documentation de présentation, l’UE affirme qu’elle collaborera aussi avec les gouvernements, les entreprises et la société civile des pays partenaires. Une façon peut-être de faire oublier que l’initiative Global Gateway va être présentée aux Africains lors du sommet de Bruxelles, « sans avoir fait l’objet de la moindre concertation avec l’UA », rappelle notre conseiller.

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