Ameenah Gurib-Fakim Du microscope au microcosme

Nommée à la présidence de Maurice, cette scientifique de haut niveau quitte le monde des végétaux (sa spécialité) pour celui, beaucoup moins calme, de la politique.

Ameenah Gurib-Fakim à Port-Louis © Jean-Marc Poche/AFP

Ameenah Gurib-Fakim à Port-Louis © Jean-Marc Poche/AFP

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Publié le 15 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

Elle a 55 ans. Elle est une scientifique de renommée mondiale. Et, le 5 juin, elle est devenue officiellement le sixième président de l’histoire de la République mauricienne. Ameenah Gurib-Fakim est une pionnière : première femme à accéder à la fonction suprême, après avoir été la première doyenne de l’University of Mauritius (UoM).

Sa nomination n’a pourtant rien d’une surprise. Lors des élections générales de décembre 2014, Anerood Jugnauth, alors candidat à la primature et devenu depuis Premier ministre, avait déjà suggéré son nom. Elle n’aurait en revanche dû occuper ce poste qu’en 2017, date de la fin du mandat de Kailash Purryag, son prédécesseur, qui a démissionné ce 29 mai, se conformant à un accord secret qu’il aurait passé à la fin de janvier avec Sir Anerood.

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« Le choix d’Ameenah Gurib-Fakim est très opportun pour le gouvernement, qui voit là un bon moyen de séduire la communauté musulmane (10 % de la population) juste avant les municipales du 14 juin », explique un observateur.

Plutôt que de prêter attention à toutes ces intrigues, Ameenah Gurib-Fakim préfère garder de la hauteur, comme il sied à sa nouvelle fonction. Sa popularité va de toute façon bien au-delà de sa propre communauté, et son arrivée à la State House (alias le château du Réduit) semble faire l’unanimité sur l’île, y compris au sein du sérail politique, dont elle ne fait pas partie mais qui a proclamé l’union sacrée autour de sa personne.

Cette indépendance, la présidente l’assume pleinement. Elle compte non seulement la conserver mais aussi profiter de sa position privilégiée, « au-dessus de la mêlée », pour imposer ses priorités. Neutre jusqu’au bout des ongles, qu’elle a joliment vernis, la première présidente issue de la société civile n’entend pas s’engager sur un terrain politique qu’elle connaît mal et où son poids est limité par une Constitution dont elle est désormais la garante. Elle souhaite davantage se concentrer sur des dossiers qui lui tiennent à cœur et sur lesquels elle estime pouvoir apporter sa différence, comme celui de la recherche scientifique.

Depuis vingt-cinq ans en effet, Ameenah Gurib-Fakim s’est spécialisée dans l’étude des végétaux. Après des études en Grande-Bretagne, elle rentre au pays pour constituer la première base de données intégrale des plantes endémiques de son île. Un patrimoine unique qu’elle a ensuite cherché à valoriser en créant Cephyr, un laboratoire de phytothérapie.

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Bardée de prix et de récompenses prestigieuses – elle est, entre autres, docteur honoris causa de la Sorbonne, à Paris -, elle vient de mettre la dernière main à son projet de Biopark : ce pôle ultramoderne, spécialisé dans le développement à but commercial des vertus médicinales, cosmétiques et nutritionnelles des plantes de la région, a été inauguré en avril.

Femme de défis, Ameenah Gurib-Fakim est donc prête à relever celui que lui offrent ses nouvelles responsabilités. Selon une logique pas très éloignée de celle qui a guidé sa carrière professionnelle, puisqu’elle veut mettre à l’honneur les spécificités culturelles de son pays. « Il faut que nous soyons fiers d’être mauriciens », insiste la présidente, qui compte aller jusqu’au bout de son quinquennat, ce qui n’a pas été le cas de ses prédécesseurs. « Et pourquoi pas en faire un second », sourit celle qui veut que sa présence au château du Réduit fasse rimer durée avec stabilité. Une gageure dans un pays qui, depuis son indépendance, a traversé de nombreuses turbulences.

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