À Bamako, pas de place pour Alpha Télécommunication ?
Orange et Malitel inondent le marché malien d’offres promotionnelles pour contrer l’arrivée d’Atel. Mais ce dernier est-il vraiment en mesure de rebattre les cartes ?
Télécoms & Internet : les opérateurs prêts à surfer
Internet représente une part croissante dans les revenus africains d’Orange, MTN ou Airtel. Mais sur un continent encore relativement peu connecté, ces opérateurs avancent prudemment.
Fin mai, dans le quartier Badalabougou, les haut-parleurs du minibus stationné devant le restaurant Broadway, point de ralliement des expatriés de Bamako, crachent une musique tendance. Autour du véhicule, une petite foule de badauds s’agglutine pour profiter des promotions de l’opérateur Malitel, contrôlé par Maroc Télécom, numéro deux du secteur avec 48 % de part de marché. Anticipant l’arrivée au Mali d’une troisième compagnie de téléphonie mobile, Alpha Télécommunication (Atel), filiale du groupe burkinabè Planor, l’entreprise multiplie ce genre d’événements : les hôtesses distribuent des puces dont le prix cassé – 500 F CFA (76 centimes d’euros) – inclut des crédits téléphoniques de 1 000 à 5 000 F CFA à utiliser dans les trois mois, parfois plus.
Et Malitel n’est pas le seul à brader ses services. Orange Mali, numéro un du marché depuis sa création (sous le nom d’Ikatel), en 2003, s’affiche en grand format sur les murs de la capitale et inonde lui aussi le pays de cartes SIM.
« Malitel et Orange Mali clament qu’ils ont respectivement 10 et 11 millions d’abonnés, mais en réalité ils n’en comptent que 4 et 5 millions, qui en plus sont souvent clients des deux opérateurs à la fois », assure un responsable de l’Institut national de la statistique. Grâce aux perpétuelles offres promotionnelles, « il est devenu plus avantageux d’acheter une nouvelle carte SIM qu’une recharge téléphonique. Ce sont des puces à usage unique », poursuit-il. « J’en ai plus de quinze à la maison. À chaque fête, il y a des bonus donc j’en prends une nouvelle », confirme Hamidou Dolo, boutiquier à Bamako.
Duopole
Avant même le démarrage de ses activités, prévu d’ici à quelques mois, Atel sait que la tâche sera rude pour imposer sa marque face au duopole. « Nous aurons du pain sur la planche mais nous sommes confiants. Nous avons l’expérience du marché burkinabè, qui ressemble beaucoup au marché malien », affirme Mouni Kouda, conseiller spécial d’Apollinaire Compaoré, le président de Planor.
Mais si au Pays des hommes intègres sa filiale Télécel a réussi à fidéliser ses clients et détient environ 25 % du marché, c’est notamment grâce à sa présence historique – elle a été créée en 2000. Au Mali, la conquête devrait se révéler beaucoup plus compliquée alors qu’un mouvement de baisse des prix des communications a été engagé depuis quatre ans sur le continent. S’il veut faire des bénéfices, Atel aura à terme besoin d’une part de marché d’au moins 15 %.
Déconvenues
Les observateurs sont d’ailleurs réservés sur les chances de succès d’Apollinaire Compaoré. Ils soulignent les nombreux retards accumulés depuis l’obtention de sa licence malienne, en 2013. Une longue bataille l’a d’abord opposé à son ex-associé malien Cesse Komé, les deux hommes d’affaires se disputant la propriété de cette licence.
Puis des déconvenues avec l’équipementier chinois Huawei ont rendu l’affaire encore plus complexe. Si, au départ, Atel avait prévu de se déployer sur l’ensemble du pays, il a finalement choisi de se concentrer sur les grandes villes et pourrait, pour les autres localités, utiliser le réseau de ses concurrents, comme l’y autorise son cahier des charges. « Concernant cette deuxième option, la question n’est pas encore tranchée », nuance Mouni Kouda.
« La tâche du groupe Planor sera d’autant plus difficile qu’il semble arriver avec des moyens limités. Il ne faut pas oublier qu’Atel est pressé par le temps car sa licence expire en février 2016, rappelle Mahamadou Camara, ex-ministre malien de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication. Si rien n’est fait d’ici là, l’État pourra retirer son autorisation et relancer un appel d’offres. »
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