Coton : le Bénin veut oublier la campagne Patrice Talon

La filière a bien du mal à se remettre du passage de l’homme d’affaires, aujourd’hui réfugié en France. Tant bien que mal, l’État reprend la main.

Patrice talon a été proche du président béninois Boni Yayi. © Ty/Erick Ahounou

Patrice talon a été proche du président béninois Boni Yayi. © Ty/Erick Ahounou

Fiacre Vidjingninou

Publié le 29 juin 2015 Lecture : 2 minutes.

En Afrique de l’Ouest, rarement un acteur privé avait réussi, comme lui, à prendre le contrôle de la filière coton. L’homme d’affaires béninois Patrice Talon a commencé à bâtir son empire au milieu des années 1980 en créant la Société de distribution intercontinentale (SDI), spécialisée dans l’importation d’intrants. En 2007, il rachète, dans le cadre de la privatisation de la filière, les usines d’égrenage de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra). Et crée un an plus tard la Société de développement du coton (Sodeco), qui contrôle dix usines d’égrenage de coton-graine sur les 18 installées dans le pays. Il devient alors le véritable « roi du coton » au Bénin.

Vice-président de l’Association interprofessionnelle du coton (AIC), il réussit au fil des ans à écarter tous ses concurrents et à devenir le seul fournisseur d’intrants du pays. En 2012, l’entreprise, qu’il détient à 51 %, enregistre un chiffre d’affaires d’environ 30 milliards de F CFA (45 millions d’euros).

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Empoisonner

Mais les problèmes surviennent à partir d’avril 2012. Alors que 12 milliards de F CFA ont été débloqués par l’État pour subventionner l’achat d’intrants pour la campagne cotonnière 2011-2012, il est attaqué pour sa mauvaise gestion. Pis, il est accusé d’avoir tenté d’empoisonner le président béninois, Boni Yayi. Le magnat est contraint de s’exiler et se réfugie en France.

Selon un rapport de la Fédération nationale des coopératives villageoises des producteurs de coton (FN-CVPC) publié en avril, « les campagnes cotonnières gérées par les filiales du Groupe Talon ont été désastreuses tant au niveau de la gestion des intrants que de la production ». Alors que le pays avait atteint un niveau record de près de 427 000 tonnes en 2004, ce chiffre est tombé à 174 000 t en 2011-2012. En cause notamment, le découragement des producteurs, qui se plaignent alors de mauvais traitements (paiement en retard, mise à disposition tardive des intrants, sous-estimation des tonnages produits…)

Près de trois ans après le départ de l’ex-magnat du coton, la filière tente de se remettre de son passage. Et c’est l’État qui reprend les choses en main. « C’est le jour et la nuit. Au temps de Patrice Talon, nous n’avions pas le droit à la parole. On nous indiquait le tonnage et le prix de cession bien après l’enlèvement de notre production. Et soit les intrants étaient de mauvaise qualité, soit ils étaient distribués en retard, affirme Naga Yo Sabi Goni, président de la FN-CVPC. Aujourd’hui, même si tout n’est pas rose, nous sommes consultés, et notre avis compte pour beaucoup. »

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Retards importants

Mais le retour de l’État ne se fait pas sans difficultés. Au cours de la campagne 2014-2015, la filière a connu de sérieux problèmes d’évacuation des produits finis, qui ont entraîné des retards importants dans le paiement des producteurs et des transporteurs. Les communes qui produisent le plus, qui ont effectué leur livraison au cours des mois de mars et avril, n’ont été payées qu’au mois de juin à hauteur de 20 % de leurs créances.

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« La mise en place d’une nouvelle organisation basée sur le zonage des bassins cotonniers [partitionner les zones de production et les attribuer à des acteurs privés pour une gestion intégrale] est la seule solution aux différents problèmes de gestion de la filière », estime Roland Riboux, PDG des huileries Fludor Bénin.

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