Chine : corruption, piège à Tigre

Zhou Yongkang était membre du Bureau politique et tout-puissant patron de la Sécurité intérieure. Il vient d’être condamné à une peine de réclusion à perpétuité. Un rival de moins pour Xi Jinping !

Le 11 juin, devant le tribunal de Tianjin. Convaincu de corruption, d’abus de pouvoir et de divulgation de secrets d’État, l’ex-Tigre suprême a pris cher. © AP/SIPA

Le 11 juin, devant le tribunal de Tianjin. Convaincu de corruption, d’abus de pouvoir et de divulgation de secrets d’État, l’ex-Tigre suprême a pris cher. © AP/SIPA

Publié le 23 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

Mine hautaine et chevelure de jais : tel était Zhou Yongkang au faîte de sa puissance. On avait peine à le reconnaître, ce 11 juin, devant le tribunal de Tianjin (Nord-Est). Sa chevelure est désormais blanche et clairsemée. Il a l’air fatigué, humilié, défait. À l’évidence, le Tigre, comme on le surnommait au temps de sa gloire, est au bout du rouleau. Dans la guerre contre la corruption – et, accessoirement, contre son opposition interne ! – déclenchée il y a deux ans par le président Xi Jinping, il est la victime numéro un. Un gros, un très gros poisson.

« Zhou Yongkang a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir accepté des pots-de-vin, abusé de son pouvoir et divulgué de façon délibérée des secrets d’État », a fait savoir la cour. « Je regrette d’avoir nui à la cause du Parti », a répondu l’ancien membre permanent du Bureau politique. Immortalisée par la chaîne officielle CCTV, cette séance d’humiliation publique évoquait irrésistiblement les heures noires de la Révolution culturelle… Elle restera en tout cas comme la dernière image du Tigre. En prison, celui-ci va retrouver nombre de ses anciens alliés. À commencer par Bo Xilai, l’ex-ministre du Commerce dont l’arrestation, en 2012, donna le coup d’envoi de cette impitoyable chasse aux opposants.

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L’élimination de Zhou, le Tigre suprême, confirme l’emprise de Xi Jinping sur le pouvoir. Mais convaincra-t-elle l’opinion de la probité retrouvée du Parti communiste chinois ? Dans l’immédiat, elle jette surtout une lumière crue sur les mœurs d’une nomenklatura déconnectée de la grande masse de la population. Personne mieux que Zhou n’illustrait en effet la complicité malsaine unissant le monde de la politique à celui des affaires.

Fortune dans l’industrie pétrolière

Avant de faire son entrée au Bureau politique, ce saint des saints du pouvoir chinois, il avait fait fortune dans l’industrie pétrolière, avec ses groupes d’État géants et ses chiffres d’affaires de plusieurs dizaines de milliards de dollars. « Zhou était l’homme le plus influent du secteur en Afrique », estime le chercheur danois Luke Patey, auteur de The New Kings of Crude (« les nouveaux rois du brut », non traduit). C’est un mélange de George Herbert Bush, l’ancien président américain, et de George Keller, le patron de Chevron. Diplômé en géologie de l’Institut du pétrole, à Pékin, il était membre du Parti communiste depuis 1964. Son ascension, il la doit à ses relations et à l’argent du pétrole judicieusement distribué au sommet de l’État et du Parti. « C’est sous sa présidence que CNPC est devenu un géant, explique Patey. C’est lui qui a dirigé les investissements du groupe à l’étranger, et au Soudan en premier lieu. Les banques chinoises lui ont prêté plus de 30 milliards de dollars pour ses investissements internationaux. » Le groupe CNPC, qu’il a longtemps dirigé, est l’une des majors les plus rentables. Et l’une des plus importantes capitalisations boursières du monde.

En 2002, il est élu au Bureau politique et devient ministre de la Sécurité publique. Le Tigre est ambitieux, impitoyable. Très vite, il accroît ses pouvoirs, prend en charge la Commission des affaires politiques et judiciaires, puis réprime brutalement les émeutes au Tibet (en 2008) et celle du Xinjiang (l’année suivante). À l’époque, le budget de son ministère est le plus important de tous, et dépasse même celui de la Défense. « Diriger la Sécurité intérieure, c’est disposer de ressources considérables pour se créer un réseau de relations. C’est comme ça que Zhou est devenu si puissant », commente Joseph Cheng, un universitaire de Hong Kong.

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Ce cocktail de puissance et d’argent est-il monté à la tête de Zhou Yongkang ? Toujours est-il que sa condamnation marque la fin d’une époque. Au-delà de Bo Xilai et de Zhou Yongkang, certains se demandent si la véritable cible ne serait pas Jiang Zemin. L’ancien président conserve en effet une influence considérable dans le parti. Trop grande, peut-être, aux yeux du nouveau maître de Pékin.

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