Cameroun – Nigeria : Biya et Buhari vont-ils enfin se réconcilier ?

Le président nigérian a tardé à annoncer qu’il allait rendre visite à son homologue camerounais. Et cela fait des années que leurs deux pays entretiennent cette relation empreinte de distance et de méfiance.

Entre Paul Biya (à g.) et Muhammadu Buhari, l’acrimonie est personnelle et remonte aux années 1980. © MUJAHID SAFODIEN/AFP

Entre Paul Biya (à g.) et Muhammadu Buhari, l’acrimonie est personnelle et remonte aux années 1980. © MUJAHID SAFODIEN/AFP

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Publié le 26 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

Sans doute Muhammadu Buhari et Paul Biya ne pouvaient-ils s’ignorer plus longtemps. Le 15 juin, le nouveau président nigérian a annoncé son intention de se rendre à Yaoundé pour y rencontrer son homologue camerounais, le seul des chefs d’État de la sous-région impliqué dans la lutte contre Boko Haram avec lequel il ne s’était pas entretenu depuis sa prise de fonctions, le 29 mai dernier. La date du voyage n’a pas été précisée, mais les deux présidents ne pouvaient pas continuer à se bouder sans risquer d’affoler leurs partenaires dans la guerre contre le terrorisme.

Quand Goodluck Jonathan était encore au pouvoir, la presse camerounaise s’inquiétait déjà de l’absence de dialogue entre Abuja et Yaoundé. Ces dernières semaines, elle était devenue carrément alarmiste. Buhari n’avait-il pas réservé, début juin, sa première tournée régionale au Niger et au Tchad, avant de s’envoler pour l’Allemagne à la rencontre des dirigeants du G7 ? Ne revoyait-il pas, le 11 juin, ses homologues tchadien, nigérien et béninois lors d’un sommet à Abuja, avant de s’envoler, quelques jours plus tard, à Johannesburg pour assister à un sommet de l’Union africaine ? Et pendant ce temps-là, pas un mot sur le Cameroun, avec qui le Nigeria partage une longue frontière qui, en son septentrion, s’est transformée en véritable champ de bataille.

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Nouvel élan

« Il est vrai que Buhari n’a pas encore fait de déplacement au Cameroun. Mais Biya n’était pas non plus présent à la cérémonie d’investiture de Buhari, tempère Gilles Olakunlé Yabi, analyste politique et fondateur de Wathi, un think tank consacré à l’Afrique de l’Ouest. Même si le président camerounais est connu pour sa fréquentation peu assidue des sommets, sa présence à Abuja aurait pu donner le signal d’un nouvel élan dans les relations bilatérales. »

Entre 1994 et 2006, un conflit frontalier a opposé les deux voisins autour de la péninsule de Bakassi. La méfiance a été renforcée ces dernières années par le fait que, jaloux de sa souveraineté, Goodluck Jonathan n’a pas cru bon d’associer Yaoundé à la lutte contre Boko Haram.

Mais cela n’explique pas tout. Entre les deux présidents, l’acrimonie est personnelle et remonte à 1984. À l’époque, Biya vient d’échapper à une tentative de coup d’État. À la tête du Nigeria (il le sera de 1983 à 1985), Buhari le Foulani s’offusque ouvertement de la purge exercée contre ses cousins peuls dans l’armée camerounaise. Furieux, il accorde l’asile à plusieurs personnes soupçonnées d’être à l’origine de la tentative de putsch, dont Ahmadou Adji, Bello Bouba Maïgari et Mohamadou Ahidjo, le fils de l’ancien président camerounais, dont Buhari était proche.

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Critiques ouvertes

Biya apprécie peu, mais il tient à calmer le bouillant militaire. Il dépêche donc des émissaires à Abuja, mais ceux-ci sont éconduits. C’est une autre mission, dirigée par Salomon Tandeng Muna, l’ex-président anglophone de l’Assemblée nationale, et Mohamadou Labarang, un « nordiste » musulman (aujourd’hui ambassadeur du Cameroun au Caire), qui parviendra à l’amadouer.

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Pour ne rien arranger, la mauvaise image de l’armée et de la diplomatie nigérianes de ces dernières années a offert l’occasion à des personnalités camerounaises de critiquer ouvertement le grand voisin accusé de « ne pas prendre ses responsabilités ». Selon Gilles Yabi, « il y a au Cameroun une volonté de montrer que le pays n’a certes pas la taille économique et démographique du Nigeria, mais qu’il n’est pas non plus un voisin faible, dépendant et vulnérable ». Dans un tel contexte, le dialogue ne peut qu’être compliqué.

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