Joachim Lawson-Body, l’étalon togolais du cinéma porno

Ce Togolais est l’un des rares Africains à avoir réussi une carrière dans le cinéma pornographique. Acteur, producteur, il rêve secrètement de se lancer à la conquête du continent.

Avec l’évolution du paysage audiovisuel sur le continent, ce bon vivant entend « faire bouger les lignes de l’hypocrisie ». © VINCENT FOURNIER pour J.A.

Avec l’évolution du paysage audiovisuel sur le continent, ce bon vivant entend « faire bouger les lignes de l’hypocrisie ». © VINCENT FOURNIER pour J.A.

ProfilAuteur_EdmondDalmeida

Publié le 1 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

En vingt-deux ans de carrière, plus de 2 000 films tournés et quelque 5 000 actrices pénétrées, Joachim Lawson-Body alias Joachim Kessef ne sera jamais une star reconnue au Togo. « Nul n’est prophète en son pays », dira-t-on. Mais à Paris, sa terre d’adoption, l’homme est en terrain conquis, fier de rouler dans de grosses cylindrées, signe de sa réussite matérielle. Physique d’athlète – le métier l’impose -, ce bon vivant limite sa consommation d’alcool au strict minimum et fume occasionnellement de « bons cigares cubains ».

Issu d’une famille bourgeoise du sud du Togo – son père était entrepreneur dans la construction et sa mère infirmière -, il se prédestinait à une carrière dans l’aéronautique, comme l’auraient souhaité ses parents. Le 21 septembre 1990, alors âgé de 14 ans, Joachim débarque ainsi en France avec l’ambition de devenir pilote d’avion. Cinq ans plus tard, baccalauréat technologique en poche, sa rencontre avec le sexe bouscule ses schémas de vie initiaux. « Lors d’une de mes escapades sexuelles, je suis tombé sur une dame qui connaissait le monde du porno. Elle m’a proposé de gagner un peu d’argent en tournant des scènes », révèle-t-il d’un air amusé.

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La « dame » en question n’est autre que Marie-Chantal Delacoudre, alias Laetitia ; actrice et réalisatrice de films pornographiques. Séduite par les performances du Togolais, la productrice le sollicite sur plusieurs tournages.

« Pourquoi se fatiguer à étudier si on peut gagner sa vie en s’amusant ? »

« Les premiers jobs » s’enchaînent et la bourse s’alourdit. « Pourquoi se fatiguer à étudier si on peut gagner sa vie en s’amusant ? » s’interroge alors Joachim. Devenu entre-temps Kessef (« acier », en hébreu), il range le cartable, s’installe dans la profession et enchaîne les grosses productions. Naturalisé français en 2000, il collabore avec de grands noms du cinéma pour adultes, l’Italien Rocco Siffredi, les Français Pierre Woodman et Christoph Clark, l’Américain John Staglianio. En tant qu’acteur, explique-t-il, « mes cachets peuvent aller jusqu’à 1 500 euros pour une scène ». À peine suffisant pour boucler les fins de mois quand on aime mener grand train.

Aventure américaine

Les succès se multiplient, et l’acteur décide, en 2000, de tenter l’aventure américaine. Pendant deux ans, Joachim Kessef apparaît à l’écran aux côtés de célébrités, notamment Mr. Marcus. En 2009, il est primé dans la catégorie « meilleure scène de groupe » aux AVN Award à Las Vegas (États-Unis), le plus important festival de l’industrie.

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Au début des années 2000, Kessef se lance dans la production pour « donner un nouveau souffle à sa carrière ». L’avènement de l’internet grand public bouscule les usages du métier. Les marges se restreignent, et il faut s’adapter à l’évolution du marché. « Les premières années ont été favorables. Il était facile de gagner jusqu’à 150 000 euros sur une seule production », confie-t-il. Kessef s’épanouit alors dans un métier avec lequel il « prend beaucoup de plaisir ». Mais l’industrie pornographique a ses contraintes, comme la difficulté de fonder une famille. « J’ai connu des femmes prêtes à accepter mon métier, mais qui finissaient par jeter l’éponge en raison de la jalousie », dit-il.

Pendant ces années fastes, Joachim Lawson-Body est resté loin des plages de Kodjoviakopé, quartier populaire de Lomé. « Heureusement, je pouvais voir de temps en temps mes parents en France », indique-t-il.

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Sujet tabou

En 2004, l’acteur-producteur est rentré à Lomé pour les obsèques de son père. Presque personne n’y était informé de sa profession. « Les rares qui savaient n’ont jamais essayé de me faire la morale », insiste-t-il. Pourtant, comme partout en Afrique, le sujet reste tabou. En Côte d’Ivoire par exemple, une ancienne candidate à une émission de téléréalité ivoirienne ayant tourné dans un film amateur en France a subi les pires attaques contre sa personne dans les médias. Du coup, Joachim Lawson-Body reste discret sur son métier lors de ses désormais multiples voyages au Togo. Certaines de ses « performances » ne passeraient pas…

À bientôt 40 ans, l’heure de la retraire approche. « Il est compliqué de faire de vieux os dans une profession constamment en quête de jeunesse », reconnaît-il. C’est pourquoi il s’attelle depuis quelques années à développer sa structure de production et, surtout, à trouver de nouveaux marchés. En Afrique ? « Pourquoi pas », répond-il, citant des chiffres prometteurs concernant la croissance sur le continent.

Reste à passer la barrière du conservatisme. Les rares films africains de ces dix dernières années n’ont connu que des succès limités. Mais avec la modification du paysage audiovisuel africain et l’arrivée de grands groupes comme Canal+, la donne pourrait changer. Ces chaînes satellitaires qui intègrent des dispositifs de verrous parentaux pourraient faire évoluer les choses. Joachim Lawson-Body rêve secrètement de produire des « contenus light », 100 % africains, pour « faire bouger les lignes de l’hypocrisie ».

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