Après l’ère Adandé, comment la BDEAC peut se relancer

Le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, nouveau président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale, doit regagner la confiance des investisseurs et achever ses réformes de gouvernance.

Vue du siège de la BDEAC à Brazzaville (République du Congo). © AFP/Youtube/Capture d’écran

Vue du siège de la BDEAC à Brazzaville (République du Congo). © AFP/Youtube/Capture d’écran

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Publié le 2 juillet 2015 Lecture : 4 minutes.

Fin du suspense à la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC). Le 6 mai, elle a annoncé que le Gabonais Michaël Adandé, président sortant, serait remplacé par le Tchadien Abbas Mahamat Tolli. La nouvelle a eu un effet apaisant à Brazzaville. Il faut dire que l’ambiance était délétère au siège de cette institution communautaire, dont l’image s’était fortement dégradée après l’échec de deux emprunts obligataires successifs (35 milliards de F CFA en 2014 et 70 milliards cette année, soit 107 millions d’euros).

Deux jours avant que son départ ne soit acté par les six chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), le Gabonais, dont le mandat a pris fin en février, a balayé toute la direction financière, qui n’avait eu de cesse de s’opposer à ses dernières tentatives de levée de fonds sur les marchés financiers. « L’image de la banque est atteinte. Conséquence, des décaissements de l’ordre de 50 milliards de F CFA émanant de partenaires financiers sont en attente. En outre, l’institution a été victime ces derniers mois d’une volonté démesurée de faire du chiffre sans une analyse rigoureuse des projets », observe un cadre.

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Pourtant, le bilan de Michaël Adandé n’est pas totalement négatif. Il a le mérite d’avoir poursuivi le redressement de la BDEAC entamé par son prédécesseur, Anicet Georges Dologuélé. Dès 2011, soit un an après l’arrivée du Gabonais au poste de président, l’institution sous-régionale de financement a renoué avec les bénéfices : en 2013, ils s’élevaient à 4,2 milliards de F CFA. Le produit net bancaire est passé de 1,7 milliard en 2011 à 9 milliards de F CFA trois ans plus tard, tandis que les fonds propres se sont renforcés de 44 à 62 milliards de F CFA sur la même période. Le coût de ses engagements entre 1975, date de sa création, et 2013 s’élève à plus de 676 milliards de F CFA pour 170 projets financés. Une performance en demi-teinte si on la compare à la Banque ouest-africaine de développement, qui a engagé 2 915 milliards de F CFA pour 697 projets.

Abbas Mahamat Tolli, ancien secrétaire général de la Commission bancaire de l'Afrique Centrale, a pris la direction de la BDEAC. © Fondation Ferdi/Vimeo

Abbas Mahamat Tolli, ancien secrétaire général de la Commission bancaire de l'Afrique Centrale, a pris la direction de la BDEAC. © Fondation Ferdi/Vimeo

À 40 ans sonnés, la dame de Brazzaville affiche certes fière allure, mais les défis ne manquent pas. Pour les relever, la BDEAC s’est dotée d’un plan stratégique 2013-2017 nécessitant 900 milliards de F CFA pour financer les infrastructures prioritaires (transport, énergie, eau, télécommunications), sans oublier l’industrie, l’agro-industrie, la microfinance, le développement rural, l’immobilier, les services et le secteur financier. Elle a dû augmenter son capital de 250 à 1 200 milliards de F CFA pour, entre autres, renforcer les fonds propres et améliorer sa capacité d’endettement.

La banque vient de recevoir un crédit de 30 millions d’euros de la Banque chinoise de développement (CDB) pour financer le secteur privé.

Alors qu’une évaluation de ce plan était attendue à la fin du mois, les ressources déjà mobilisées, 400 milliards de F CFA émanant du marché financier sous-régional et des institutions internationales, ont dépassé l’objectif de 320 milliards de F CFA des deux premières années. Du reste, la banque vient de recevoir un crédit de 30 millions d’euros de la Banque chinoise de développement (CDB) pour financer le secteur privé. Cependant, une incertitude demeure quant aux 500 milliards de F CFA que les États membres et les organismes de coopération doivent verser : ces derniers avaient mis du temps à libérer leur quote-part lors de la première augmentation du capital, en 2010. « Avec la baisse des cours du pétrole, on peut craindre qu’ils ne réagissent pas avec la célérité requise. À cela s’ajoute un doute autour de l’actionnaire libyen, car la situation politique du pays ne lui permet pas aujourd’hui de tenir ses engagements auprès de la BDEAC », analyse une source interne.

Le nouveau président aura la lourde charge de regagner la confiance des investisseurs, en levant le reliquat de 70 milliards de F CFA au titre de la deuxième tranche des 100 milliards à mobiliser sur le marché financier. C’est d’ailleurs le premier dossier sensible auquel devra s’attaquer Abbas Mahamat Tolli. « Il devra choisir entre deux stratégies : recueillir le montant en une seule opération comme son prédécesseur souhaitait le faire, précipitamment, sans prendre en compte les réalités du marché, ou l’effectuer en deux tranches, ce qui est plus raisonnable », observe un analyste.

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L’autre défi d’Abbas Mahamat Tolli, entré en fonctions le 26 juin : la gouvernance. Depuis le placement malheureux de 2008 dans le fonds autrichien Primeo, impliqué dans le scandale Madoff – qui lui a coûté 11 milliards de F CFA -, la BDEAC mène un train de réformes sous l’impulsion de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Cet ajustement passe notamment par le renforcement de l’audit interne et la révision de la comptabilité. La publication en fin d’année de l’état de ses finances aux normes de Bâle II est attendue par les investisseurs.

« C’est un défi important qui, compte tenu de tout ce que cela implique en termes d’organisation, de respect des procédures, de gouvernance, facilitera son accès aux ressources concessionnelles et au marché international », avance une source interne. Mais il lui faudra aussi, comme sa consœur d’Afrique de l’Ouest, passer par la notation internationale pour parvenir à lever des fonds hors de la zone. Un pari loin d’être gagné.

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