Sébastien de Montessus, le chasseur de mines de Naguib Sawiris
L’ex-directeur de la branche minière d’Areva a rejoint il y a trois ans le tycoon égyptien au sein du groupe La Mancha. Portrait d’un homme à la conquête de l’or ouest-africain.
Le sémillant Sébastien de Montessus, 41 ans, ne reste jamais longtemps inactif. Après sa démission d’Areva, en mars 2012, l’ex-directeur de la branche minière du groupe nucléaire français pensait faire « une pause de six mois ». Histoire d’oublier la fameuse « affaire Uramin », du nom de la société rachetée par Areva en 2007 au prix fort – 1,8 milliard d’euros -, et dont les gisements en Namibie, en Centrafrique et en Afrique du Sud se sont révélés pauvres en uranium et trop complexes à exploiter. Une acquisition surprenante à laquelle Sébastien de Montessus n’a pas participé mais dont il a dû gérer l’héritage pendant ses cinq années à la tête de la filière minière, de 2007 à 2012, avec des dépréciations d’actifs majeures.
En 2011, voulant éclaircir les conditions de ce rachat, il mandate le détective privé Mario Brero pour enquêter. Suscitant l’ire – et une plainte devant la justice – d’Anne Lauvergeon, présidente du directoire, son ancien mentor au sein du groupe. Une affaire qui fait grand bruit et entraîne la démission du patron des mines d’Areva, le détective missionné ayant utilisé des méthodes illégales et s’étant intéressé aux activités d’Olivier Fric, le compagnon d’Anne Lauvergeon.
Fructifier
À peine deux mois après, le Français reprend du service aux côtés du milliardaire Naguib Sawiris. En juin 2012, le tycoon égyptien de 58 ans, qui vient de se retirer des télécoms, dispose d’un portefeuille bien rempli et veut investir dans les matières premières en Afrique. Désireux de se lancer en politique au Caire, Naguib Sawiris cherche des idées d’acquisitions et des personnes à qui les confier pour les faire fructifier. Conseillé par la Société générale, il rencontre Sébastien de Montessus, qui souhaite poursuivre sa carrière dans un secteur minier dont il est « tombé amoureux » chez Areva et où son bilan – malgré Uramin – est bon. « Quand je suis arrivé au sein du groupe, la filière extractive pesait 400 millions d’euros de chiffre d’affaires et perdait de l’argent. À mon départ, elle était profitable, avec des revenus de 1,5 milliard d’euros », fait valoir l’ex-patron des mines, reconnu pour sa capacité à baisser les coûts d’exploitation. Le courant passe immédiatement entre les deux hommes. « J’ai été recruté en vingt minutes, s’amuse le Français. Naguib Sawiris m’a dit « Je ne veux plus travailler. Veux-tu travailler pour moi? »»
C’est sur ses conseils que Naguib Sawiris rachète deux mois plus tard La Mancha, société aurifère cotée à Toronto, alors présente en Côte d’Ivoire, au Soudan et en Australie. Sébastien de Montessus la connaît bien puisque Areva en était jusque-là l’actionnaire principal. « Je ne voulais pas me lancer à l’aveugle. Je savais qu’Areva était vendeur, puisque l’or était en dehors de son champ de développement, explique-t-il. Je connaissais les bonnes perspectives de ses gisements, avec des mines déjà en exploitation, ce qui permettait des revenus immédiats. Et l’or était un bon secteur pour commencer, nécessitant moins de capitaux et d’infra-structures que le fer, le cuivre ou l’uranium. J’ai dit à Naguib Sawiris que s’il réussissait à reprendre la société je serai son homme pour la diriger. »
Lobbying
En août 2012, après le succès de l’OPA de l’Égyptien à Toronto, le Français se retrouve donc propulsé PDG de La Mancha. Il entraîne ses deux fidèles lieutenants de l’ancien comité exécutif minier d’Areva : le polytechnicien Imad Toumi, ex-patron du groupe au Niger, et l’ingénieur-géologue Patrick Bouisse. « Je m’occupe de la stratégie et j’ai une bonne expérience de la gestion financière, Imad est chargé de la direction des opérations et Patrick de l’exploration », indique le patron de La Mancha, dont il a installé le siège à Paris, à deux pas de l’Élysée. À ses heures perdues, il n’hésite d’ailleurs pas à faire du lobbying auprès des ministères français de l’Économie et de l’Écologie pour appuyer la relance de la filière minière en France.
Trois ans après sa nomination, Sébastien de Montessus est fier du chemin parcouru : « Nous avons fait passer la production de 117 000 à 224 000 onces d’or, représentant quelque 250 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Et malgré la chute des cours de près de 25 % depuis mon arrivée, nous sommes une société rentable, avec 87 millions d’euros de marge opérationnelle [Ebitda] en 2014, des coûts d’exploitation contenus aux alentours de 969 dollars l’once, pour un prix de marché avoisinant les 1 150 dollars. Et notre actionnariat stable de long terme – grâce à Naguib Sawiris -, sans endettement, nous place dans une situation plus florissante que nombre de groupes aurifères. »
Nous sommes aussi à la recherche de bons permis aurifères ailleurs en Côte d’Ivoire, mais aussi au Burkina, au Mali, en Guinée, au Niger, au Liberia et au Sénégal
Ce patron ambitieux s’est employé à restructurer le portefeuille minier de sa société. « En Australie, nous avons investi pour relancer nos mines d’Alacer, puis nous les avons fusionnées avec Evolution Mining, dont nous sommes devenus un actionnaire minoritaire, avec 31 % des parts pour un chiffre d’affaires actuel de 1,5 milliard de dollars. Nous avons ainsi formé le premier groupe aurifère du pays, réalisant des économies d’échelle majeures », indique–t-il. Mais compte tenu de l’expertise australienne, Evolution Mining ne nécessite selon lui plus d’implication opérationnelle de La Mancha. Il souhaite donc concentrer ses forces sur l’Afrique de l’Ouest.
Et le Français dispose de moyens financiers à la hauteur de ses ambitions : en avril, il a revendu aux autorités de Khartoum sa mine et ses permis dans l’or et le cuivre soudanais, jugés coûteux et risqués, pour 90 millions d’euros. La Côte d’Ivoire doit devenir le point de départ d’une expansion dans la région. « Nous disposons d’un excellent actif avec la mine d’Ity. Sa production devrait passer de 80 000 à 150 000 onces d’ici à 2017. Nous sommes aussi à la recherche de bons permis aurifères ailleurs en Côte d’Ivoire, mais aussi au Burkina, au Mali, en Guinée, au Niger, au Liberia et au Sénégal », annonce Sébastien de Montessus. Comme son modèle Mark Bristow, le patron de Randgold Resources, il pense que des projets aurifères ouest-africains mal gérés ou sous-capitalisés sont à point pour tomber dans son escarcelle.
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