Décentralisation : le Katanga, un géant démembré

Le 30 juin, le Katanga devait officiellement disparaître, partagé en quatre « provincettes ». Un découpage prévu de longue date, mais auquel personne ne semble prêt.

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Publié le 30 juin 2015 Lecture : 5 minutes.

Le square George-Forrest, à Lubumbashi (statue de l’artiste lushois Daddy Tshikaya) © Gwenn Dubourthoumieu/J.A.
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Bye-bye Katanga

Le nouveau découpage de la RD Congo en 26 provinces devrait bientôt entrer en vigueur. Il prévoit notamment une division de la région du Katanga en quatre « provincettes » : Tanganyika et Haut-Lomami au nord, Lualaba et Haut-Katanga au sud. Plongée au coeur de cette grande province qui ne sera bientôt plus.

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Midi à Lubumbashi, la capitale du Katanga. Presque 35 °C à l’ombre. À l’extérieur du Bâtiment du 30-Juin, siège de l’Assemblée provinciale, un « Parlement debout » s’improvise sous les manguiers. Le débat porte sur l’un des sujets qui monopolisent les conversations des Congolais depuis le début de l’année : le découpage.

Depuis le 30 juin, jour de la fête nationale congolaise, la RD Congo est en effet divisée en 26 provinces, contre 11 précédemment. Celles de Kinshasa, du Bas-Congo, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema n’étant pas démembrées, cette réorganisation territoriale consacrée par la Constitution de 2006 change surtout la donne pour les six provinces « découpées ». Parmi elles, le Katanga, scindé en quatre « provincettes » : Tanganyika et Haut-Lomami au nord, Lualaba et Haut-Katanga au sud.

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Autour de Kasongo Mukeya, coordonnateur du bureau d’études de l’Assemblée provinciale, de jeunes assistants parlementaires et agents administratifs discutent du processus d’installation des nouvelles entités. Des préoccupations d’ordre technique, financier, voire politique sont soulevées, auxquelles chacun donne ses éléments de réponse. « Le chambardement approche, nous serons bientôt appelés à piloter la mise en place des institutions dans l’une ou l’autre future province issue du Katanga », s’enorgueillit l’un d’entre eux.

Chambardement ? Ou plutôt retour d’une géopolitique à la sauce congolaise, selon laquelle les « originaires » doivent avoir la primauté sur leur sol ? Kinshasa aux Kinois, le Katanga au Katangais, etc. Ainsi, en un même réflexe, la plupart des agents administratifs de l’Assemblée provinciale ont déjà fait leurs valises, prêts à rentrer dans leur district d’origine, espérant se voir attribuer des postes clés au sein des nouvelles institutions provinciales. Comme si un Tanganyikais compétent ne pouvait travailler dans les services de la future Assemblée du Lualaba !

Par ailleurs, étant donné que le nouveau découpage devait être effectif le 30 juin mais que les élections provinciales ne seront organisées que le 25 octobre, « gare à l’interprétation erronée de la loi ! prévient Kasongo Mukeya. Seuls les députés provinciaux en cours de mandat sont membres de droit des nouvelles assemblées provinciales », rappelle l’expert. Concrètement, sitôt que la naissance des quatre provinces (et la mort du Katanga) sera effective, les institutions provinciales actuelles disparaîtront, l’exécutif (gouverneur, vice-gouverneur et ministres) comme le législatif. Chacun des 102 élus actuels, suivant sa circonscription électorale, devra rejoindre l’une des quatre nouvelles assemblées provinciales.

Maintenant qu’il a quitté la gare, rien ne pourra plus arrêter le train du découpage

Le problème est que l’installation des nouvelles entités n’a pas été préparée et que, pour le Tanganyika et le Haut-Lomami, réputés pauvres comparés à leurs homologues du Sud, les infrastructures et les moyens risquent de manquer cruellement. Mais, pour Kinshasa, le processus enclenché est irréversible. « Maintenant qu’il a quitté la gare, rien ne pourra plus arrêter le train du découpage », répète Salomon Banamuhere, le ministre d’État chargé de la Décentralisation. Tout le monde l’a compris. Même au sein de la rebelle province du cuivre, épicentre de la campagne antidécoupage, les détracteurs du démembrement ont fini par rendre les armes.

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Mais ce n’est que partie remise, à en croire l’un des plus actifs meneurs du mouvement, Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale. « Après l’éclatement effectif du Katanga, nous comptons bien, conformément à la Constitution, introduire notre requête en vue du remembrement », explique-t-il, avant de préciser que la pétition contre le découpage lancée par son parti, l’Union nationale des fédéralistes du Congo (Unafec, membre de la majorité), a déjà récolté plus de 1 million de signatures. « Nous attendons le bon moment pour la déposer », promet-il.

D’autres, pour qui la pilule de la réorganisation territoriale a encore du mal à passer, estiment que « ce découpage précipité » n’a d’autre but que d’affaiblir les autorités katangaises. « Certes, le démembrement de certaines provinces est prévu par la Constitution de 2006 et devait même être effectif dans un délai de trois ans. Or, près de dix ans après, rien n’a été fait pour installer les nouvelles provinces », rappelle Ngandu Diemo, président de la commission politique, administrative et juridique de l’Assemblée du Katanga.

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L’élu dit comprendre ceux qui, aujourd’hui, considèrent que le découpage est mis en place à la va-vite dans le but de « supprimer proprement certaines têtes » dans la province, notamment celle du gouverneur Moïse Katumbi. D’autant que, selon le député de Bukama, ce processus de réorganisation territoriale n’a été prévu ni dans le budget national ni dans celui des provinces pour l’année 2015.

Les partisans du découpage rétorquent que sa mise en œuvre a, au contraire, été trop longtemps retardée. En effet, dans l’histoire récente de la RD Congo, la question est souvent revenue sur la table. Kasongo Mukeya rappelle que « déjà, en 1988, le pays, qui est 80 fois plus vaste que la Belgique, son ancienne métropole, avait décidé de tenter l’expérience pour rapprocher l’administration de l’administré ».

Carte de l'ancien Katanga. © J.A.

Carte de l'ancien Katanga. © J.A.

C’était le temps du Mouvement populaire de la révolution (MPR), de Mobutu Sese Seko. Le Kivu natal de Kithima bin Ramazani, alors secrétaire général du parti-État, est désigné pour servir de cobaye et se voit découpé en trois provinces : le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema. « Les deux premières, grâce à leur position géographique frontalière, étaient réputées viables, contrairement à la troisième. Le but était de voir si, avec cette réorganisation, le Maniema pouvait enfin se développer », explique Kasongo Mukeya, regrettant qu’aucun état des lieux n’ait été fait par la suite pour savoir s’il fallait poursuivre ou non le processus.

La perestroïka et son terrible vent sont passés par là en 1990, obligeant le président Mobutu à se concentrer d’abord sur sa survie politique. Du moins jusqu’à l’organisation de la Conférence nationale souveraine, qui, dans ses résolutions, préconisa de nouveau le découpage du pays en 26 provinces. « La Constitution de 2006 n’a donc rien inventé », conclut Kasongo Mukeya.

L’expérience du Kivu peut-elle rassurer les Katangais ? Vingt-sept ans plus tard, ce nouveau découpage ne pourrait-il pas être l’occasion pour les territoires du Haut-Lomami et du Tanganyika, considérés comme pauvres malgré leur potentiel agropastoral, de prendre enfin leur envol et de se développer indépendamment de leurs voisins du Sud, le Haut-Katanga et le Lualaba, réputés riches parce que disposant d’immenses ressources minières ?

« Le découpage ne peut donner les résultats escomptés que si le pouvoir central se montre suffisamment responsable. Mais Kinshasa n’a jamais tenu ses engagements, maugrée le député Ngandu Diemo. S’il n’a pas pu respecter la retenue à la source des 40 % des recettes pour les onze provinces actuelles, qui dit que, demain, son comportement va changer ? »

Dieudonné Bamoïna, cadre de l’Unafec et proche de Gabriel Kyungu, se montre plus expéditif : « Le découpage du Kivu, en 1988, n’a pas apporté le progrès espéré, mais un cycle de violences qui dure depuis vingt ans. Au lieu de foncer tête baissée vers un morcellement qui, financièrement, coûte cher à l’État, les autorités devraient se pencher sur les vrais problèmes des Congolais, lesquels ne demandent qu’à manger à leur faim, scolariser leurs enfants et se soigner dans de bonnes conditions. » Au Katanga, le scepticisme reste de rigueur.

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