Au Sénégal, les députés sont dépités

Le nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale sénégalaise durcit les conditions de formation des groupes parlementaires. Au grand dam des élus de l’opposition et des électrons libres.

Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale sénégalaise. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale sénégalaise. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

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Publié le 6 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.

Adopté le 29 juin, au terme d’un scrutin controversé dont l’opposition demande l’annulation, le nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale vire au règlement de comptes. Si le rétablissement de la durée de cinq ans pour le mandat de son président, Moustapha Niasse, a recueilli un large assentiment – celle-ci avait été réduite à un an en 2008 pour entériner la disgrâce de Macky Sall, alors au perchoir -, deux autres mesures alimentent la polémique.

D’abord, le nombre minimum de députés requis pour constituer un groupe parlementaire passe de 10 à 15, soit un quota près de quatre fois supérieur à ce qu’il est en France (15 députés sur 577). La mesure ne s’appliquera pas rétroactivement au seul groupe d’opposition actuellement constitué, emmené par le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade – qui ne compte que 12 députés. Mais pour Rewmi, le parti d’Idrissa Seck, qui ne parvenait déjà pas à rassembler 10 députés, cette disposition, soupçonnée d’être taillée sur mesure pour museler l’opposition, marque un « recul démocratique ».

Le texte semble destiné à couper l’herbe sous le pied des parlementaires de BBY qui seraient tentés de prendre leurs distances avec le camp présidentiel.

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Ensuite, en stipulant qu’un député ne pourra quitter son groupe parlementaire pour s’affilier à un autre avant le terme de la législature, le nouveau règlement fait également des mécontents au sein de la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar (BBY). Car le texte semble destiné à couper l’herbe sous le pied des parlementaires de BBY qui, à l’approche des prochaines échéances électorales, seraient tentés de prendre leurs distances avec le camp présidentiel.

Pour certains électrons libres comme les socialistes Aïssata Tall Sall et Barthélémy Dias, ou le leader du mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo, qui vient de démissionner bruyamment de BBY, la réforme porte atteinte à la liberté des élus. « C’est une mesure réactionnaire », tempête l’avocat (non inscrit) El Hadji Diouf. De son côté, fustigeant l’intention prêtée à la mouvance présidentielle de faire des parlementaires des « politichiens », Babacar Gaye, le porte-parole du PDS, a invité « les députés attachés aux valeurs de la République » à démissionner de leur groupe afin de mettre en lumière « l’incongruité » d’une Assemblée destinée, selon lui, à compter un unique groupe parlementaire. Celui des partisans de Macky Sall.

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