Israël-Hamas : l’ennemi de mon ennemi…

Realpolitik oblige, l’État hébreu s’est résolu à négocier une paix froide à sa frontière avec les rebelles islamistes syriens, mais aussi à Gaza avec le Hamas. Analyse.

Manifestation pro-Assad dans le village druze de Majdal Shams, dans le Golan. © MENAHEM KAHANA/AFP

Manifestation pro-Assad dans le village druze de Majdal Shams, dans le Golan. © MENAHEM KAHANA/AFP

perez

Publié le 9 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

Le 23 juin, une ambulance de Tsahal est attaquée à coups de pierres sur une route du plateau du Golan – annexé en 1981 -, qui jouxte la Syrie. Si les infirmiers israéliens sont épargnés, des dizaines d’habitants du village druze de Majdal Shams s’en prennent violemment aux blessés syriens que transporte le véhicule. L’un d’entre eux ne survit pas au lynchage. Les Druzes, une minorité musulmane hétérodoxe, accusent Israël de prêter assistance aux rebelles qui attaquent leurs villages de l’autre côté de la frontière, notamment les jihadistes du Front al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda.

La polémique enfle jusqu’en Galilée, où, contrairement à leurs coreligionnaires du Golan, les Druzes ont accepté la nationalité israélienne et effectuent leur service militaire. Leur colère menace le pacte fraternel qui les lie à l’État juif depuis sa création, en 1948. Les plus virulents demandent expressément aux autorités d’ouvrir la frontière avec la Syrie afin qu’ils aillent défendre leurs proches. D’autres voix, à l’image du viceministre Ayoub Kara, appellent l’armée israélienne à bombarder les jihadistes pour desserrer l’étau autour des provinces druzes, notamment à Khader et à Soueida. « Nous ne tolérerons pas de massacre à notre frontière », assure le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, tout en réaffirmant que son pays continuera d’agir sur le plan humanitaire.

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Depuis 2013, près de 1 600 blessés syriens ont été admis dans des hôpitaux israéliens : femmes, enfants et jeunes combattants dont l’appartenance est difficile à établir. Cette assistance humanitaire serait la contrepartie d’un pacte de non-agression conclu avec diverses factions rebelles installées le long de la frontière d’Israël : l’Armée syrienne libre (ASL), à qui l’État hébreu apporterait un appui tactique, mais aussi l’armée du Hermon, une coalition de rebelles islamistes, avec qui des contacts existeraient. Dans les faits, ces groupes assurent malgré eux une zone tampon qui maintient à distance les forces pro-Assad, à commencer par les miliciens chiites du Hezbollah.

Cette situation coïncide avec l’avancée des groupes rebelles dans le nord de la Syrie, notamment l’ASL, financée et armée par la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, qui, comme Israël, ne souhaitent pas voir la Syrie post-Assad tomber sous l’influence iranienne. Ce jeu d’alliances a des ramifications jusque dans la bande de Gaza, puisque Doha aurait accueilli ces dernières semaines des pourparlers secrets entre Tel-Aviv et le Hamas. Selon la presse israélienne, l’État hébreu négocierait une trêve de trois à cinq ans avec le mouvement islamiste palestinien en échange de la reconstruction de Gaza, dévastée par cinquante jours de guerre l’été dernier.

Étonnamment, le discours officiel israélien s’est adouci. « Il est temps de changer notre politique à Gaza. Sa réhabilitation est dans notre intérêt et nous n’excluons pas d’y autoriser la construction d’un port », explique le nationaliste Naftali Bennett, actuel ministre de l’Éducation, qui, il y a peu, appelait vigoureusement à renverser le pouvoir du Hamas. Même au sein de l’armée israélienne, plusieurs généraux estiment qu’« il n’y a pas d’alternative pour diriger la bande de Gaza », abandonnée par l’Égypte et l’Autorité palestinienne.

En réalité, Tel-Aviv redoute l’avènement au pouvoir du groupe État islamique, alors que des cellules salafistes à Gaza ont dernièrement revendiqué plusieurs attaques à l’explosif contre des postes de sécurité du Hamas. Plus inquiétant encore, des tirs de roquettes contre des localités israéliennes frontalières mettent en péril le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis le 27 août 2014 autour de l’enclave palestinienne. C’est bien la première fois que l’État hébreu voit en son pire ennemi à Gaza un allié objectif.

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