Tunisie : Habib Essid, un homme seul

Habib Essid, le Premier ministre tunisien, est un homme seul. Discrédité par son manque de charisme et son indécision, il ne survit politiquement que par la grâce du président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui, l’ayant choisi, ne souhaite visiblement pas se déjuger.

Habib Essid, le Premier ministre tunisien. © AFP

Habib Essid, le Premier ministre tunisien. © AFP

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  • Samy Ghorbal

    Samy Ghorbal est ancien journaliste de Jeune Afrique, spécialiste de la Tunisie.

Publié le 7 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.

Pas maintenant. En place depuis six mois, son gouvernement navigue à vue et enregistre échec sur échec. Attendu sur le terrain de l’autorité, il n’a fait qu’envoyer des signaux de faiblesse, alors qu’il dispose pourtant de la légitimité électorale et d’une majorité écrasante à l’Assemblée. Il n’a pas été capable d’endiguer le terrorisme, ni même d’accélérer le vote de la loi antiterroriste, en discussion depuis dix-huit mois. Essid a beau faire, il n’imprime pas. Son autorité est atteinte. Peut-il être l’homme de la situation, le chef de guerre que le pays attend après le carnage de Sousse ? On en doute. Peut-il se maintenir, alors que son gouvernement a objectivement failli ?

En février 2013, après l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, Hamadi Jebali, le Premier ministre de l’époque, avait immédiatement pris la mesure du choc et annoncé la dissolution de son équipe. N’ayant pas réussi à mettre en place un « gouvernement de compétences nationales », apolitique, il avait démissionné. Quelques mois plus tard, Ali Larayedh, son successeur, avait été poussé vers la sortie par « le peuple du Bardo » pour n’avoir pas réussi à empêcher un second assassinat politique, celui du député Mohamed Brahmi. On comprendrait mal, dans ces conditions, que les partisans de Nidaa Tounes, qui avaient réclamé à cor et à cri le départ de Jebali et Larayedh, s’accommodent du maintien à son poste d’Essid, qui a failli dans les mêmes proportions. Les ministres de l’Intérieur et du Tourisme doivent, eux aussi, s’effacer, car leur responsabilité est clairement engagée.

Il ne faut pas casser les fragiles équilibres en ouvrant la boîte de Pandore d’un remaniement en plein été.

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Pourtant, il y a fort à parier que rien de tout cela ne se produira. La logique politicienne risque, une fois encore, de prendre le pas sur la logique de l’intérêt national. Il ne faut pas casser les fragiles équilibres en ouvrant la boîte de Pandore d’un remaniement en plein été. Les lampistes – gouverneurs, chefs de district, policiers – paieront, comme d’habitude. La classe politique, dans son ensemble, est enfermée dans le déni. Habib Khedr, un des poids lourds d’Ennahdha, un de ceux qui bataillèrent, en 2012, pour introduire la notion de charia dans le texte de la Constitution, vient de déclarer que le terroriste de Sousse « n’avait aucun rapport avec l’extrémisme religieux », mais qu’il fallait plutôt chercher les raisons de son acte dans sa consommation de drogues et son penchant pour le rap. On croit rêver !

La Tunisie, dans l’immédiat, a besoin d’une mobilisation générale, qui suppose déjà de placer les bonnes personnes aux bons endroits. Aujourd’hui, nul n’est capable de dire qui est le vrai patron de l’antiterrorisme dans le pays. Il faut revoir l’organisation, les procédures. L’État regorge de cadres compétents et patriotes, dont certains ont été écartés sans discernement lors des grandes purges -postrévolutionnaires de 2011. D’autres, qui avaient prouvé entre-temps leur sens du leadership, ont été éloignés du terrain et placés sur des voies de garage. Comment expliquer sérieusement qu’un officier de la trempe de Samir Tarhouni, ancien chef de la Brigade antiterrorisme, ait été affecté à la direction de la formation du ministère de l’Intérieur ?

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