Cuba : un Castro peut en cacher un autre
Après Fidel, son oncle, qui régna sur Cuba d’une main de fer pendant un demi-siècle, puis Raúl, son père, qui tente de sauver le régime d’un naufrage annoncé, voici qu’Alejandro pointe à son tour le bout de son nez !
Panama City, 11 avril. En marge du VIIe Sommet des Amériques, Raúl Castro rencontre Barack Obama. Dans le petit groupe de conseillers triés sur le volet qui assiste à ce tête à-tête historique figure le colonel Alejandro Castro Espín (50 ans), son propre fils. Quelques mois plus tôt, le 17 décembre, celui-ci avait déjà été le premier à accueillir à leur descente d’avion les trois agents cubains libérés par les États-Unis dans le cadre d’un échange de prisonniers.
Si son rôle exact dans les négociations secrètes qui, en décembre 2014, conduisirent au rapprochement américano-cubain reste mal connu, il semble bien que Castro Jr joue un rôle de plus en plus éminent dans la politique cubaine. Tournée en Russie du 7 au 9 mai, visite au pape François le 10 mai à Rome… Il est désormais de tous les voyages.
Alejandro est le seul descendant mâle du couple formé pendant plus d’un demi-siècle par Raúl, le frère de Fidel, et Vilma Espín (décédée en 2007), fille de la grande bourgeoisie devenue un pilier du régime communiste – elle présida notamment la Fédération des femmes cubaines. D’origine française, la grand-mère maternelle de Vilma était apparentée au socialiste Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx. Mariela, l’une des trois sœurs d’Alejandro, est la sexologue la plus connue du pays, directrice du Centre national d’éducation sexuelle de Cuba (Cenesex) et activiste pour les droits des homosexuels.
S’il ne combattit jamais en première ligne, il trouva quand même le moyen de se blesser grièvement à un œil dans un accident, à Luanda.
Le colonel Castro Espín était pour la première fois sorti de l’ombre il y a six ans, lors d’une visite en Algérie de son père, dont il était à l’époque le conseiller personnel. Ingénieur de formation et titulaire d’un master de relations internationales, il est aujourd’hui membre de la Commission de défense et de sécurité nationale. Avant de se lancer en politique, il avait eu une brève carrière militaire et, à ce titre, avait été envoyé en Angola pour soutenir le régime marxiste d’Agostinho Neto en guerre contre le régime sud–africain ségrégationniste. S’il ne combattit jamais en première ligne, il trouva quand même le moyen de se blesser grièvement à un œil dans un accident, à Luanda. « Il fallait qu’on puisse dire qu’il avait participé à cette guerre, mais il va de soi qu’il est constamment resté à l’arrière », ironise un journaliste cubain qui préfère garder l’anonymat.
En 2009, le fils de Raúl publie son premier livre, Imperio del terror (« l’empire de la terreur »), un virulent plaidoyer contre la politique étrangère des États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. L’ouvrage a été réédité cette année. Les Américains y sont toujours décrits comme « ceux qui prétendent soumettre l’humanité pour satisfaire leurs intérêts et leurs objectifs hégémoniques ». Mais une note a été ajoutée qui évoque le rapprochement américano-cubain en cours. En octobre 2012, lors d’un déplacement à Moscou pour la présentation de son livre, il a pour la première fois donné une interview à un média étranger, en l’occurrence la Radio-Télévision espagnole (RTE). Au fond, Alejandro joue aujourd’hui un rôle qui n’est pas sans rappeler celui que jouait naguère son père auprès de Fidel.
« Tout cela est très préoccupant, commente Alejandro González Raga, porte-parole de l’Observatoire cubain des droits humains, à Madrid. Tout indique qu’on le prépare pour un avancement. Ou peut-être pour la succession de son père. En tout cas, il ne fait aucun doute qu’il sera membre du gouvernement qui sera mis en place en 2018, quand Raúl passera la main à une nouvelle génération, comme il s’y est engagé. »
Lors d’une interview à la télévision grecque Mega TV, au début de l’année, Alejandro a pourtant écarté cette éventualité. La relève pourrait être incarnée par le vice-président Miguel Díaz-Canel (55 ans), le numéro deux du régime depuis février 2013. Or celui-ci est un chaud partisan de la libéralisation économique.
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