Togo : le « prof » Adji Otèth Ayassor rempile
Maintenu dans le nouveau gouvernement, le grand argentier du Togo a même pris du galon : le voici ministre d’État. Mais au fond, il reste un juriste obsédé par la bonne gestion des comptes publics.
Jusqu’à la dernière minute, son nom circulait dans les cercles officiels parmi ceux des grands perdants du nouveau gouvernement togolais. Pourtant, le 28 juin, Adji Otèth Ayassor a non seulement été maintenu à son poste de ministre de l’Économie et des Finances, mais il est devenu l’unique ministre d’État, numéro deux du gouvernement. Mieux : il récupère les très stratégiques portefeuilles de la Planification et du Développement, ce qui lui permet de contrôler l’ensemble de la machine économique du pays. Nombreux étaient les opposants à son maintien mais, alors que des négociations sont en cours avec des partenaires tels que le FMI et la Banque mondiale, le chef de l’État a choisi de renouveler sa confiance au « prof », chouchou des institutions de Bretton Woods.
Très apprécié de ses étudiants
Titulaire d’un doctorat en droit public (université de Bordeaux), d’un diplôme en résolution des conflits (université du Wisconsin) et d’un Master of Laws (Harvard), Ayassor a longtemps servi le Togo à l’abri des caméras, principalement dans le domaine universitaire. Si bien que, lorsque Faure Gnassingbé accède à la magistrature suprême, en avril 2005, l’homme est un illustre inconnu, du moins pour la majorité des Togolais. Secrétaire général du ministère des Enseignements primaire et secondaire et professeur d’université, il est très apprécié de ses étudiants. « Son cours de droit des finances publiques reste l’un des meilleurs jamais dispensés dans les facultés togolaises », témoigne Thomas Amouzou, un ancien élève devenu fonctionnaire.
Nommé ministre des Finances en 2007 après le limogeage de Payadowa Boukpessi (actuel titulaire du portefeuille de l’Administration territoriale), Ayassor garde les médias à distance, sauf en de rares occasions : lorsqu’il souhaite faire passer des messages de rigueur dans la gestion des recettes publiques… Car malgré sa stature politique, il conserve un profil de technocrate : élu député en 2007, il n’a jamais siégé à l’Assemblée nationale, trop occupé qu’il était à mener des réformes visant à assainir les finances publiques. Entre 2010 et 2013, son ministère a ainsi réalisé 159 réformes, remplissant 61 % des objectifs fixés.
« De nombreux ministres et directeurs d’administrations publiques se sont plaints des mesures de rigueur imposées par Ayassor, mais le chef de l’État ne lui a jamais retiré sa confiance », témoigne un ancien membre du gouvernement, qui reconnaît, « après des années de tensions » avec son collègue, qu’il fallait « son talent pour mettre de l’ordre et susciter la confiance des partenaires du pays ». Longtemps envisagées mais jamais mises en place, la Cour des comptes et l’Inspection générale des finances sont ainsi devenues opérationnelles sous son impulsion.
Le lancement de l’Office togolais des recettes [OTR] restera à jamais dans les mémoires comme son œuvre
Que restera-t-il d’Ayassor lorsqu’il rendra son tablier ? Difficile de se prononcer alors qu’il prend du galon et s’impose un peu plus parmi les figures incontournables du pouvoir. Mais, estime un professeur d’économie, « le lancement de l’Office togolais des recettes [OTR] restera à jamais dans les mémoires comme son œuvre, quels qu’en soient les rendements ». Pour rassembler les douanes et les impôts dans une seule structure, Ayassor a dû mener une bataille sans répit contre les syndicats des deux régies financières, qui ne souhaitaient pas fusionner. Après des mois de bras de fer, l’OTR, inspiré de l’expérience de pays comme le Rwanda, a vu le jour en 2014.
Droit dans ses bottes
De ce combat, Ayassor garde de nombreuses inimitiés, jusque dans les grands cercles financiers du pays. Mais l’homme, qui aime rappeler qu’il n’a besoin que de la confiance de ses employeurs – Faure Gnassingbé et le Premier ministre, Komi Sélom Klassou -, reste droit dans ses bottes, arpentant les conférences internationales à la recherche d’investisseurs pour financer les chantiers de développement du Togo.
À 63 ans, il espère jouir « un jour » d’une retraite paisible afin de se consacrer à sa femme et ses quatre enfants, loin de Lomé, dans les collines de Défalé qui l’ont vu naître. En attendant, il a reçu pour missions de poursuivre l’assainissement des finances publiques, d’améliorer le climat des affaires, de mettre en œuvre le code des investissements et de développer les finances locales. Au boulot !
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