Burundi – Gervais Rufyikiri : « Nkurunziza pousse les contestataires à la légitime défense »
Ils ont fait leurs valises à la veille d’élections législatives et communales contestées, qui se sont tenues le 29 juin. Avec Pie Ntavyohanyuma, le président de l’Assemblée nationale, qui a lui aussi fui le Burundi clandestinement, Gervais Rufyikiri, le deuxième vice-président, faisait partie des quatre principaux personnages de l’État après le président Pierre Nkurunziza.
Hutu et membre influent du CNDD-FDD, Rufyikiri – l’équivalent d’un Premier ministre qui partageait sa fonction avec un Tutsi du parti Uprona – était entré en disgrâce mi-mars pour avoir désapprouvé l’idée d’un troisième mandat du chef de l’État sortant. Craignant pour sa sécurité, il a prétexté un séjour médical en Belgique pour s’exiler, allongeant la liste des personnalités du camp présidentiel qui ont fait défection depuis deux mois.
JEUNE AFRIQUE : Pourquoi vous êtes-vous exilé ?
GERVAIS RUFYIKIRI : D’abord pour des considérations liées à ma sécurité personnelle. Faisant partie des cadres du CNDD-FDD qui avaient émis des réserves quant à une troisième candidature du président, je me sentais menacé. Et puis, rester plus longtemps à mon poste m’aurait conduit à cautionner ce dérapage antidémocratique. J’ai tenu à adresser un signal fort en me désolidarisant totalement du régime.
Vous étiez-vous concertés avec Pie Ntavyohanyuma ?
Oui. Depuis Bruxelles, j’ai annoncé que je ne regagnerais pas le Burundi seulement lorsque j’ai eu confirmation que son avion avait décollé.
Que s’est-il passé après le Conseil des sages, le 14 mars, lorsque vous avez, avec d’autres responsables du CNDD-FDD, désavoué le principe d’un troisième mandat ?
Nos noms ont été rayés des listes électorales établies par les instances du parti. Nous avons été remplacés au sein du Conseil des sages, qui fixe ses orientations, et mis en quarantaine. Les cadres du CNDD-FDD qui ont bravé cette directive m’appelaient avec une puce téléphonique achetée spécialement, pour éviter d’être repérés.
Quelle influence prêtez-vous au général Adolphe Nshimirimana, l’ancien responsable du Service national des renseignements, souvent présenté comme un « faucon » prêt à tout pour faire réélire Nkurunziza ?
Elle est nuisible. Son ombre plane sur divers actes criminels et prévarications économiques. Avec une poignée de généraux acquis à sa cause, il incarne le mal qui ronge le Burundi. Adolphe est prêt à tuer pour arriver à ses fins. Son influence en coulisses est d’autant plus déterminante que même le président le redoute.
Face au jusqu’au-boutisme de l’entourage présidentiel, vous semblez considérer que la voie des armes est la seule option qui s’offre aux opposants…
Le régime reste sourd aux arguments des détracteurs du troisième mandat, qu’ils émanent du CNDD-FDD, de l’opposition, des églises, de la société civile ou de la communauté internationale. Et la répression s’abat avec férocité sur des manifestants pacifiques, avec des moyens qui vont de l’emploi de grenades à celui d’armes lourdes. Le pouvoir accule le mouvement de contestation à la légitime défense.
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