Taubira pédagogue dans son livre « L’esclavage raconté à ma fille »

Christiane Taubira le répète à l’envi, c’est une histoire d’une extrême violence, difficile à encaisser. Elle l’a découverte toute seule, et se souvient de la rage et de la haine qui l’ont alors un temps habitée.

Christiane Taubira au siège européen des Nations unies à Genève en Suisse en mars 2015. © Salvatore Di Nolfi / AP / Sipa

Christiane Taubira au siège européen des Nations unies à Genève en Suisse en mars 2015. © Salvatore Di Nolfi / AP / Sipa

Clarisse

Publié le 6 juillet 2015 Lecture : 2 minutes.

Chaîne à quatre colliers provenant du couvent vodoun de Dexué à Adounko (Bénin). © NICOLAS MICHEL
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France, terre d’esclavage

Avec le Mémorial ACTe, qui a ouvert ses portes le 7 juillet à Pointe-à-Pitre, la France a désormais un lieu pour regarder en face son passé lié à la traite négrière. Une histoire encore très mal assumée en métropole comme aux Antilles.

Sommaire

C’est pour éviter aux jeunes générations le même choc qu’elle a publié, en 2002, L’Esclavage raconté à ma fille, dont une version remaniée est parue en mai dernier, chez Philippe Rey. Un livre d’entretiens plus ou moins imaginaires avec sa fille, qui n’a rien de savant, mais qui, dans un subtil jeu de questions-réponses, éclaire les adolescents sur l’histoire des souffrances et des révoltes des victimes de l’esclavage et, donc, sur l’histoire de la France.

Taubira n’est ni dans l’accusation ni dans la repentance. Elle explique. Pourquoi les sociétés européennes sont plurielles. Pourquoi la France est une nation civique et non tribale. Comment le racisme a été créé et entretenu par l’esclavage. Comment on a construit les préjugés dont le regard de certains reste empreint aujourd’hui encore.

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Petite note d’espoir : cette histoire violente, ce choc entre les personnes, les cultures, les économies a donné des communautés et des identités culturelles nouvelles. Certains ont reproché à Taubira de passer sous silence l’esclavage moderne, la militante répond : « La confusion est mauvaise conseillère, et elle est l’apanage des imbéciles. L’esclavage moderne existe, mais n’est plus dans un système autorisé. Tous les pays de l’ONU ont signé des conventions visant à le condamner. » En partie suite à la Shoah. La plupart des conventions sont intervenues après la Seconde Guerre mondiale.

L’Esclavage raconté à ma fille, de Christiane Taubira, éd. Philippe Rey, 192 pages, 16 euros. © J.A.

L’Esclavage raconté à ma fille, de Christiane Taubira, éd. Philippe Rey, 192 pages, 16 euros. © J.A.


L‘esclavage raconté à ma fille, de Christiane Taubira, éd. Philippe Rey, 192 pages, 16 euros

Pour aller plus loin…

  • De l’esclavage à la liberté forcée, de Céline Flory, ed. Karthala, 456 pages, 27 euros

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Abolir l’esclavage suffit-il pour libérer les esclaves ? Assurément non. Salué par le prix de la thèse de la Société des africanistes en 2011 et par celui du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage en 2012, le texte rédigé par Céline Flory pour son doctorat le démontre avec brio.

Intitulée De l’esclavage à la liberté forcée. Histoire des travailleurs africains engagés dans la Caraïbe française au XIXe siècle, préfacée par Catherine Coquery-Vidrovitch et désormais publiée chez Karthala, cette somme très documentée analyse la manière dont la France organisa l’immigration de travailleurs aux Petites Antilles entre 1854 et 1862 afin d’y circonscrire les changements induits par l’abolition de 1848. Une sorte de travail forcé pour un voyage sans espoir de retour… perpétuant un système de domination écrasant visà-vis de travailleurs venus de Madère, d’Inde, de Chine et d’Afrique. Édifiant.

  • Calcul et Morale. Coût de l’esclavage et valeur de l’émancipation (XVIIIe-XIXe siècle), de Caroline Oudin-Bastide et Philippe Steiner, éd. Albin Michel, 304 pages, 24 euros
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En 1771, l’économiste et homme politique Dupont de Nemours publie un article visant à démontrer que le travail servile coûte trop cher et que les colons eux-mêmes ont intérêt à voir l’esclavage aboli. Entre le XVIIIe et le XIXe siècle, son propos irrigue abondamment la réflexion autour de la rentabilité de l’esclavage, sur son maintien ou non.

Écrit par l’historienne de l’esclavage Caroline Oudin-Bastide et le sociologue de la pensée économique Philippe Steiner, Calcul et Morale retrace ces vifs débats qui ont opposé les meilleurs penseurs français, dont Tocqueville, Turgot, Condorcet et Jean-Baptiste Say, les uns amendant la pensée de Dupont de Nemours, les autres la contredisant.

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