Awsome Tapes From Africa : À la recherche des tubes perdus
Brian Shimkovitz s’est donné une mission : faire découvrir la richesse des trésors méconnus ou oubliés de la musique africaine. Ce collectionneur de cassettes parcourt le continent en quête de la perle rare.
Ethnomusicologue, DJ, collectionneur de cassettes, chasseur de sons, Brian Shimkovitz est un peu tout ça à la fois. Difficile de mettre dans une case cet Alan Lomax des temps modernes. Le célèbre ethnomusicologue américain arpentait les États-Unis pour en extraire les rythmes et les mélodies, Shimkovitz, lui, a choisi l’Afrique après un voyage d’études au Ghana en 2002. Une révélation : « C’était la première fois que je quittais les États-Unis de ma vie, à part un ou deux voyages à Toronto [rires]. Ça a complètement changé ma vie. » Un choc personnel mais aussi musical : « Je connaissais le highlife et ce que Fela Kuti en avait fait au Nigeria avec l’afrobeat. J’ai été très surpris de voir que cette musique n’était plus d’actualité et avait été mélangée avec du hip-hop. J’ai passé un an à étudier le rap au Ghana. »
« Voici de la musique d’Afrique, du monde, surprenante et amusante »
En 2004, il repart pendant un an parcourir l’Afrique de l’Ouest. Il découvre l’importance de la cassette dans la diffusion de la musique locale et se prend de passion pour ces trésors cachés à l’heure où l’industrie musicale mondiale commence déjà à sentir les premières secousses du séisme internet. « J’ai plus de 4 000 cassettes que j’ai achetées sur les marchés locaux », détaille-t-il. Dans cette quête, qui l’a mené au Togo, au Burkina Faso et au Mali, il découvre des genres musicaux et des artistes totalement inconnus en dehors des scènes nationales. Une immense diversité qu’il décide de mettre à la disposition d’un public plus large en créant sur le Net Awesome Tapes from Africa (ATFA) avec comme devise : « Voici de la musique d’Afrique, du monde, surprenante et amusante. »
Un site simple, avec les images kitsch des pochettes des cassettes et la possibilité de télécharger gratuitement des titres enregistrés parfois avec des moyens rudimentaires. Ce n’était pas gagné d’avance ! Et pourtant ATFA connaît un véritable succès depuis 2006 et son premier post : une cassette chinée dans les rues de Cape Coast d’Ata Kak, un chanteur ghanéen inconnu. Un surprenant mélange de rap, de disco et de highlife qui va vite piquer la curiosité d’internautes occidentaux toujours à la recherche de nouveautés et de plus en plus sensibles aux musiques dites du monde.
Piraterie musicale ?
Avec ATFA, Brian Shimkovitz prétend se faire le relais d’une industrie musicale africaine quasi inexistante. Impossible, souvent, de retrouver les artistes et de les rémunérer, dit-il. Mais sa pratique est-elle, au fond, si différente de celle des pirates ? « Je diffuse les chansons gratuitement, sans publicité, se défend-il. Si quelqu’un me contacte, il peut retirer la chanson, mais 95 % des morceaux ne peuvent être achetés hors de leur pays, donc ce n’est pas voler une vente de quelque chose qui existe déjà sur un marché. » Il y a toutefois une limite à cet argument, car Brian Shimkovitz se produit aussi en tant que DJ aux quatre coins du monde, des prestations payées sans reverser de droits d’auteur. Il affirme pourtant vouloir « aider les artistes africains à prendre part au marché global de la musique ». Pour cela, ATFA est aussi devenu un label qui compte une dizaine d’artistes. Une nouvelle manière, plus juste et légale, de partager ses sons et de remplir une mission qu’il qualifie lui-même d’« ethno-musicologie publique ».
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