Allemagne : Wolfang Bosbach, l’imprécateur médiatique
Depuis des années, le député allemand conservateur Wolfgang Bosbach clame sur tous les plateaux de télé la nécessité d’exclure la Grèce de la zone euro. Portrait.
Ce jour-là, dans un centre commercial de la banlieue de Berlin, Wolfgang Bosbach (63 ans) est venu inaugurer une petite exposition. Teint hâlé et sourire étincelant en dépit du cancer de la prostate incurable dont il souffre, il se prête volontiers avec les badauds au petit jeu des autographes et des selfies. « C’est le type de la télé », chuchote un quinquagénaire à sa femme. Député de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU), le parti conservateur, depuis plus de vingt ans, cet avocat de formation jouit d’une grande notoriété qu’il doit pour beaucoup à son omniprésence dans les talk-shows télévisés. Depuis 2011, il y est constamment invité en raison de ses virulentes déclarations en faveur de l’exclusion de la Grèce de la zone euro. Une position de plus en plus largement partagée en Allemagne. Mais qui n’a pourtant pas toujours été la sienne.
« En 2010, j’ai voté pour le premier plan de sauvetage », rappelle Bosbach. À l’époque, les milieux politiques et financiers craignaient un risque de contagion à d’autres pays de la zone si la Grèce n’était pas aidée. Et comme sa petite spécialité, c’est davantage la sécurité intérieure que l’économie, il s’était laissé convaincre par l’argument. « Un an plus tard, la situation s’était encore aggravée et de nouveaux pays avaient été touchés », commente-t-il aujourd’hui. Pour lui, aucun doute : l’Allemagne ne reverra jamais l’argent qu’elle a prêté à la Grèce, et aucun plan de soutien ne parviendra à résoudre durablement le problème de la dette. Alors quand, en 2011, le deuxième de ces plans est présenté au Parlement, Bosbach, contre l’avis majoritaire dans son parti, vote contre. Depuis, avec son franc-parler habituel, il plaide pour le Grexit – contraction de « Grèce » et d’« exit ». « Si, et seulement si, la Grèce sort de l’euro, nous aurons l’obligation morale de l’aider. Il s’agira alors d’une aide humanitaire, d’investissements dans l’énergie ou l’agroalimentaire destinés non au gouvernement mais au peuple grec », estime-t-il.
70 % des Allemands refusent désormais toute nouvelle concession des créanciers
Longtemps à contre-courant, cette prise de position lui a valu de solides inimitiés jusqu’au sein de la CDU et explique sans doute qu’il n’a jamais été ministre. Mais la donne a changé. Chauffés à blanc par une presse populiste qui juge les Grecs « fainéants, laxistes et indignes d’être aidés », 70 % des Allemands refusent désormais toute nouvelle concession des créanciers. Selon les derniers sondages, 51 % d’entre eux se déclarent favorables à un Grexit. Le 29 février au Bundestag, lors du dernier vote sur la prolongation du programme d’aide à la Grèce, seuls 29 députés de la CDU-CSU sur 311 ont voté contre. Mais 118 d’entre eux ont choisi d’adresser un avertissement au chef du groupe parlementaire en exprimant publiquement des doutes sur la politique suivie.
Même au sommet de l’État, le tabou est tombé. Longtemps hostile à toute tentation de laisser tomber la Grèce, le vice-chancelier Sigmar Gabriel, qui est aussi ministre de l’Économie et président du Parti social-démocrate (SPD), a surpris par la brutalité de ses propos après le référendum grec du 5 juillet : « Tsipras a rompu tous les ponts ; une nouvelle négociation est difficilement envisageable. » Une réaction nullement isolée. Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances (CDU), qui n’a jamais caché sa préférence pour une Europe recentrée autour d’un nombre restreint de pays, multiplie par exemple les déclarations en faveur du Grexit. Au final, seules quelques voix au sein du SPD et de Die Linke (extrême gauche) persistent à s’y opposer.
Que va faire Angela Merkel ? Elle qui déteste trancher se retrouve au pied du mur. En suivant l’opinion, elle prendrait le risque d’une défaite personnelle et politique majeure. Si au contraire, elle se rallie à la France, elle risque de se mettre à dos son électorat et de fragiliser, voire de diviser, son parti. Bosbach, quant à lui, n’a jamais été aussi proche de voir son vieux combat aboutir.
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