Côte d’Ivoire : l’usine textile Gonfreville file un mauvais coton
Les autorités tentent de sauver la plus ancienne manufacture de textile d’Afrique de l’Ouest, en difficultés financières.
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Cinq ans après le scrutin de 2010, les Ivoiriens s’apprêtent à retourner aux urnes pour élire leur président. Le point sur les réalisations d’Alassane Ouattara, qui brigue un nouveau mandat… et sur les défis qui attendent un pays en voie d’apaisement.
Au milieu des herbes folles, les bâtiments coloniaux sont encore debout malgré les assauts du temps. Sur le site des Établissements Robert- Gonfreville (ERG) s’est écrite l’une des plus belles pages de l’histoire industrielle du continent. Première manufacture de textile intégrée (de la filature à la confection) en Afrique occidentale lors de sa construction en 1921, ERG a connu ses heures de gloire au cours des années 1970 et 1980. Environ 4 000 salariés y travaillaient pour fabriquer notamment les uniformes des armées et des polices de la sous-région. Aujourd’hui, l’immense site de 60 ha ressemble à une ville fantôme.
À distance de la route qui mène à l’aéroport, 200 salariés font tourner au ralenti les activités de filature et de tissage reprises en 1993 par Filature Tissage Gonfreville (FTG). Placée en redressement judiciaire en 2014, l’entreprise veut encore croire en des jours meilleurs. Soutenus par le maire de la ville et le gouvernement, le directeur général et l’administrateur chargé de la société depuis sa mise en liquidation se battent pour trouver un repreneur.
Dans les années 1990, le textile chinois a imposé sa suprématie
Les difficultés de l’usine ont commencé au début des années 1990, lorsque le textile chinois a imposé sa suprématie. Fragilisé, ERG a bénéficié d’un premier plan de relance marqué par la scission de la manufacture en deux sociétés : FTG pour la filature, le tissage et la teinture, et Texicodi pour l’impression. La société d’égrenage Global-Cotton est venue compléter le dispositif au début des années 2000. Mais la décennie de crise ivoirienne a balayé les espoirs de relance. « Après 2002, nous ne trouvions plus de financement, les clients ne pouvaient plus venir nous voir. Mais nous avons continué en récupérant sur les machines à l’arrêt les pièces nécessaires pour entretenir celles encore en mesure de fonctionner », explique Maxime Zounon, directeur général de FTG.
La majorité des lignes de production sont aujourd’hui à l’arrêt. « Nous traitons encore trois tonnes de matière par jour – coton brut ou fil -, estime Maxime Zounon. Bien sûr c’est très loin des 20 tonnes quotidiennes que nous transformions avant la crise. » Dans la salle des métiers à tisser, la poussière de coton recouvre le matériel hors d’usage, tandis qu’une poignée d’hommes s’activent au son des dernières machines encore en fonctionnement. Les derniers investissements ont été réalisés en 2000, et tout est pratiquement obsolète. « Aujourd’hui, le véritable actif, c’est la réserve foncière », estime Abdramane Thiéro, directeur de cabinet du maire de Bouaké.
Des atouts pour la relance
« Gonfreville a encore de nombreux atouts, insiste cependant le directeur général. Nous sommes proches à la fois de la zone de production cotonnière et d’Abidjan. Notre proximité avec l’Europe [douze jours en bateau] nous offre un avantage concurrentiel par rapport à la Chine. La Côte d’Ivoire doit suivre l’exemple de pays comme l’Éthiopie, dont l’industrie textile est en plein développement. »
À la recherche d’un tour de table mêlant capitaux ivoiriens et étrangers, Maxime Zounon affine son plan de relance. Prévus sur trois ans, les investissements sont estimés à 10 millions d’euros, dont la moitié devra être injectée d’ici à la fin de 2016. Le chiffre d’affaires de FTG pourrait, selon son directeur général, atteindre 20 millions d’euros, contre environ 2 millions en 2014. « C’est tout à fait possible puisque, durant nos meilleures années, les résultats dépassaient 28 milliards de francs CFA [près de 43 millions d’euros] », indique le patron.
Pour qu’une reprise soit possible, l’entreprise devra aussi renégocier une dette de plusieurs milliards de francs CFA avec ses fournisseurs et les banques du pays. Maxime Zounon ne veut pas croire à la fermeture définitive du site. Le président Alassane Ouattara n’a-t-il pas promis, lors de sa visite d’État à Bouaké, en novembre 2013, de relancer les activités de l’usine ?
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