Thierry Dogbo : artisan du réveil des architectes ivoiriens

Ce Franco-Ivoirien est de ceux qui ont réveillé l’architecture du pays dans les années 1990. À l’œuvre sur tous les fronts, il regrette qu’on ne valorise pas plus les compétences locales.

Thierry Dogbo © Ananias Leki Dago, pour J.A.

Thierry Dogbo © Ananias Leki Dago, pour J.A.

Julien_Clemencot

Publié le 17 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

Alassane Ouattara en mai 2011. © Franck Castel/Wostok Press
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Côte d’Ivoire : 2011-2015, le vrai bilan

Cinq ans après le scrutin de 2010, les Ivoiriens s’apprêtent à retourner aux urnes pour élire leur président. Le point sur les réalisations d’Alassane Ouattara, qui brigue un nouveau mandat… et sur les défis qui attendent un pays en voie d’apaisement.

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«Tout, des chiottes aux gratte-ciel. » Lorsqu’on lui demande sa spécialité, Thierry Dogbo répond par cette image, un brin provocatrice. Formé à l’École spéciale d’architecture de Paris, ce Franco-Ivoirien de 52 ans fut avec Issa Diabaté, au sein du cabinet Guillaume Koffi, l’un des artisans du réveil des architectes ivoiriens dès le milieu des années 1990. Avant de fonder son propre cabinet (CATD, pour Cabinet d’architecture Thierry Dogbo) à Abidjan, en 2004.

Des édifices de prestige, comme le siège du Port autonome d’Abidjan ou la Mosquée du Plateau, aux immeubles d’habitation et de commerce ou aux villas, ses réalisations touchent à tous les domaines. « J’ai toujours conservé une vision ouverte et fonctionnelle de l’architecture », résume cet admirateur de Le Corbusier. Et, désormais, plus verte : « Les folies climatisées des années 1980 et 1990 sont derrière nous. C’est le retour des ventilations traversantes, l’arrivée des ampoules LED, la limitation des espaces inutiles pour économiser les matériaux », détaille-t-il.

Un homme prudent

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Quand nous le rencontrons, Thierry Dogbo ne manque pas de projets : un hôtel, une résidence de standing et, pour le compte du groupe immobilier marocain Alliances, un vaste complexe de 65 ha mêlant logements sociaux et appartements destinés à la classe moyenne. Quand on lui fait remarquer que le donneur d’ordres, dont le siège est à Casablanca, vit des moments difficiles, l’homme ne s’émeut guère. Dix années de crise lui ont appris la prudence. Associé à une jeune architecte, Huguette Ruzibiza, il se contente d’employer trois techniciens et une assistante. Tous les autres collaborateurs sont des free-lances.

Mais depuis 2011, l’optimisme a regagné du terrain, et Thierry Dogbo a toutes les raisons de se réjouir de la situation en Côte d’Ivoire. « Je n’ai pas voté pour Ouattara, mais j’aime la paix et j’en reprendrais bien pour cinq ans », explique ce père de deux garçons, avant de confier qu’il n’ira sûrement pas déposer son bulletin dans l’urne lors de la prochaine élection présidentielle, car il ne croit plus aux promesses des hommes politiques.

La baie de Cocody? Un projet marocain. Quand au plan d’urbanisme d’Abidjan, il est japonais… »

Rentré en 1996 après vingt ans passés en France parce qu’il ne voyait plus d’évolution possible pour sa carrière, Thierry Dogbo a assisté à la dégringolade de son pays : un Bédié hautain dont l’entourage commettait trop d’écarts de conduite, puis les coups de feu des hommes du général Gueï, et enfin l’isolement de la période Gbagbo. Mais il ne tirera pas sur l’ex-président, désormais hôte de la Cour pénale de La Haye. « Ni Alassane Ouattara ni la communauté internationale ne l’ont laissé gouverner. La couverture maladie universelle actuellement mise en place par le pouvoir, c’était son idée », argumente cet homme de gauche, profondément marqué par la victoire de François Mitterrand en France, en 1981.

La tendance du gouvernement actuel à chercher son salut à l’étranger

Élu au Conseil national de l’ordre des architectes de Côte d’Ivoire en 2005 (il l’a quitté en 2014), Thierry Dogbo, qui a participé en 2007 à la création du salon Archibat d’Abidjan, regrette la tendance du gouvernement actuel à chercher son salut à l’étranger. « Pour la réhabilitation de la baie de Cocody, c’est un projet marocain qui a été retenu. Quant au plan d’urbanisme de la ville d’Abidjan, il est japonais… Et tout cela pour des questions de financement. Pourtant, les Ivoiriens ont de l’argent, alors pourquoi n’essaie-t-on pas de le mobiliser pour développer nos propres projets ? » se demande celui dont le père, Vincent Dogbo, avec lequel il collabore sur certains projets, fut le premier urbaniste ivoirien. Les 160 professionnels inscrits à l’ordre des architectes gagneraient, selon lui, à être pris davantage en considération dans un pays où 80 % des constructions se font sans leur intervention.

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