Nabni, le think tank qui veut changer l’Algérie

De plus en plus reconnu, le groupe de réflexion Nabni est pour l’instant loin d’être entendu.

Créé en 2011, le collectif compte une soixantaine de membres, répartis dans le monde entier. © LOUIZA AMMI POUR J.A.

Créé en 2011, le collectif compte une soixantaine de membres, répartis dans le monde entier. © LOUIZA AMMI POUR J.A.

Publié le 16 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

Alger, un soir de ramadan. Dans un restaurant de Saïd Hamdine, à la périphérie du centre-ville, une bonne centaine de personnes, étudiants fougueux et têtes pensantes grisonnantes, débattent du « renouvellement du récit national ». Ce 5 juillet, jour des 53 ans de l’indépendance, le collectif Nabni lance « l’Algérie rêvée de 2030 ».

Un virage pour ce think tank plus habitué aux rapports sur les problèmes de gouvernance. « On a voulu sortir de notre discours habituel pour proposer un projet participatif invitant à imaginer le pays dans quinze ans », explique Abdelkrim Boudra, son porte-parole. Il y a quelques semaines, le groupe avait publié un plan d’urgence, Abda 2016-2018, proposant douze mesures concrètes pour influer sur l’économie du pays. Parmi elles : le gel des dépenses de fonctionnement de l’État, la limitation de la règle du 51 %/49 % – qui pénalise l’investissement étranger – à des secteurs précis ou l’abolition du Conseil national de l’investissement (CNI).

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Dégradation de la balance des paiements ou amenuisement du fonds de régulation des recettes budgétaires… L’impact négatif de la chute brutale du prix du pétrole sur les finances du pays a relancé l’intérêt pour Nabni, qui avait alerté les autorités sur ce risque en 2012.

Nabni n’est ni un parti ni un lobby, et qu’il ne sert aucun intérêt particulier.

Atypique

Dans le paysage algérien très restreint des think tanks, Nabni, créé en 2011, quand le monde arabe bouillonnait, est assez atypique. Il fonctionne de manière informelle, n’a ni adresse ni bureaux. Et vient tout juste d’entamer « des démarches pour devenir une association de droit algérien », selon Boudra, qui est par ailleurs directeur d’un centre de formation à Alger.

Le groupe de réflexion compte parmi ses membres des spécialistes reconnus tels que Mabrouk Aib, professeur de fiabilité statistique à l’École nationale polytechnique d’Alger, Zoubir Benhamouche, économiste, ou encore Liès Kerrar, expert en finance et président du cabinet de conseils Humilis.

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Alors que la question de savoir qui est derrière ce groupe s’est souvent posée, Boudra assure que Nabni n’est ni un parti ni un lobby, et qu’il ne sert aucun intérêt particulier. « Il n’a jamais reçu de dons privés ou publics, ni bénéficié de sponsoring, soutient Boudra. Nabni est exclusivement financé par ses membres. »

Les dirigeants ont invité à plusieurs reprises le collectif à présenter ses travaux.

Plateforme d’échanges

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Dans le pays, Nabni est le seul groupe de réflexion à produire du contenu tout en proposant une plateforme d’échanges citoyenne. Et à la différence de son aîné, le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), présidé par Slim Othmani, le patron de NCA Rouiba lui aussi membre de Nabni, les idées du collectif ne se limitent pas à l’entreprise et à l’économie. « La nécessité d’une révolution économique et d’une révision complète de notre modèle basé sur la distribution de la rente pointées par Nabni est une idée que je défends depuis des années », explique le patron.

Le collectif parviendra-t-il à faire bouger les lignes dans un pays marqué par l’inertie de ses gouvernants ? Sur le terrain, les résultats sont plutôt mitigés. Certes, la sonnette d’alarme tirée dès 2011 pour entamer rapidement une diversification de l’économie a bien été entendue par les autorités. Les dirigeants ont même invité à plusieurs reprises le collectif à présenter ses travaux. Constitutionnalisation de la gestion de la rente pétrolière, promotion de l’investissement étranger au détriment des importations, ou mise en place d’une fiscalité foncière figurent notamment parmi les réformes urgentes suggérées. Mais aucune des mesures contenues dans le volumineux rapport « Nabni 2020 : bilan et perspectives » n’a été appliquée. Pourtant, le risque d’un scénario à la Titanic se précise dangereusement.

En Afrique, les pays anglophones à la pointe

Selon le classement international Global Go To Think Tank de l’université de Pennsylvanie, aux États-Unis, paru en 2014, c’est dans les pays anglophones que ces groupes de réflexion sont les plus actifs et les plus nombreux sur le continent. Ainsi, l’Afrique du Sud arrive en tête avec 85 think tanks recensés, suivie par le Kenya (53), le Nigeria (46), le Ghana (36) et l’Ouganda (27). Le premier pays d’Afrique francophone classé est le Cameroun, avec 21 think tanks identifiés.

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