Égypte : une « smart city » pour désengorger Le Caire

Près de 43 milliards d’euros. C’est le coût de la première phase de construction de la nouvelle métropole administrative qui doit voir le jour d’ici à cinq ans pour que la capitale égyptienne respire un peu.

Le Caire, juillet 2015. © Ebrahem Ezzat/AP

Le Caire, juillet 2015. © Ebrahem Ezzat/AP

Publié le 21 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

Sissi lors de la Conférence pour le développement économique de l’Egypte, à Charm el-Cheikh, le 13 mars © Brian Snyder/AP
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Un écrin d’espaces verts et de plans d’eau, des gratte-ciel d’acier et de verre, des kilomètres carrés de boutiques et de fermes solaires… Ses promoteurs l’appellent « la cité idéale du XXIe siècle ». Ce projet de nouvelle capitale administrative et son impressionnante maquette ont été dévoilés mi-mars à Charm el-Cheikh par le président Sissi et le groupe émirati Capital City Partners. « Douze fois plus étendue que Manhattan et sept fois plus que Paris intra-muros », comme le soulignent ses concepteurs, la smart city (« ville intelligente ») devrait sortir des sables d’ici cinq à sept ans à 50 km du Caire, sur une zone encore désertique de 700 km2 située entre les quartiers Est de l’« ancienne ville » – comme l’appelle déjà le chef de l’État – et l’entrée du canal de Suez.

Conçue pour accueillir 5 millions d’habitants, elle comprendra des quartiers résidentiels cossus, mais aussi 1 million de logements « sociaux » pour la classe moyenne et la jeunesse, une zone ultra-sécurisée pour les administrations et les institutions, un quartier d’affaires, un stade de football, un parc d’attractions… L’objectif est évidemment de désengorger Le Caire, asphyxié et paralysé par la surpopulation et les embouteillages, et de délocaliser les principaux bâtiments administratifs, sièges institutionnels et représentations diplomatiques.

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Un projet qui risque d’exacerber les problèmes du centre-ville du Caire

S’il ne s’était jamais concrétisé, le projet est dans les cartons depuis les années 1970. « Cette nouvelle capitale s’inscrit dans la continuité de l’action de Sissi et, plus largement, dans une politique néolibérale qu’ont aussi portée ses prédécesseurs », remarque Roman Stadnicki, du Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales Égypte-Soudan. « Plutôt que de créer un nouveau modèle, ajoute le géographe, il faudrait que les pouvoirs publics s’occupent des quartiers où vit actuellement la majorité de la population pour y apporter un peu de régulation » – 60 % à 75 % des Cairotes vivraient aujourd’hui dans des logements informels ou précaires.

Un avis que partage Khaled Fahmy, historien de l’Égypte moderne. « Déménager les administrations à l’extérieur de la ville n’est pas une mauvaise idée, estime-t-il. Cependant, le plan proposé ne dit rien de ce qui va arriver au centre-ville du Caire. Il aurait été préférable, par exemple, de présenter une stratégie de développement du système de transport public, dont Le Caire a désespérément besoin… On peut craindre qu’avec tant de ressources consacrées à la « nouvelle capitale », les problèmes du centre-ville soient exacerbés plutôt que soulagés ».

Coûteux et réservé aux élites ?

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Les principales interrogations suscitées par le projet portent d’ailleurs sur son coût, la première phase étant estimée à elle seule à 45 milliards de dollars (près de 42,5 milliards d’euros), soit la moitié du budget annuel du pays. « Les financements seront assurés par nos partenaires. Seule une toute petite portion viendra de l’État, pour assurer les services de base, comme l’apport en eau et les infrastructures sanitaires », affirme Mostafa Madbouly, ministre du Logement. Le président Sissi avait déjà souligné en mars que « la priorité [était] la population et [que] l’Égypte ne [pouvait] se permettre la construction à ses frais ».

Beaucoup craignent en outre que la nouvelle capitale soit réservée aux classes aisées et que soient réitérées les erreurs des années 1970 et 2000 : des cités construites ex nihilo en banlieue du Caire, où les villas pour l’élite fortunée ont vite trouvé preneur, mais où, malgré l’implantation de centres commerciaux, les lotissements destinés à la classe moyenne, trop chers, restent vides plus de dix ans après leur construction.

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