États-Unis : Goodbye Donald Trump ?
Magnat de l’immobilier et star de la télévision, le multimilliardaire excentrique a été l’attraction du début de la campagne présidentielle. Mais le vent est semble-t-il déjà en train de tourner.
Aux États-Unis, le ridicule ne tue pas. Il séduit les foules. Le début de campagne présidentielle fracassant du multimilliardaire Donald Trump – ses meetings attirent davantage de monde que tous les autres candidats déclarés, Hillary Clinton comprise – en dit long sur l’état de décomposition de la politique locale.
On peut sourire de son invraisemblable coiffure, de ses allures de crooner sur le retour, de ses rodomontades, de son jet privé et des innombrables produits dérivés à son nom. Mais Trump, 69 ans, a déjà réussi son coup. En quelques semaines, il est devenu l’un des favoris de la primaire républicaine pour la présidentielle de 2016. Le vote antisystème, c’est lui qui, pour l’instant, l’incarne le mieux. Un comble pour ce magnat de l’immobilier et star de la télévision (il codétient les droits des concours Miss America et Miss Univers) qui estime sa fortune à 10 milliards de dollars (plus de 9 milliards d’euros) et déclarait en 2011 de manière assez drôle : « Une partie de ma beauté réside dans le fait que je suis très riche. » Un comble, mais aussi un exploit. Trump n’a en effet pas d’équipe de campagne digne de ce nom, pas de QG, pas de relais dans les États clés comme l’Iowa et le New Hampshire et encore moins de stratégie. Il est dans l’improvisation permanente et, de son propre aveu, ne consacre à sa campagne que 50 % de son temps.
13% des intentions de vote
Et ça marche ! Selon les derniers sondages dans l’Iowa, où se tiendra le premier scrutin de la primaire, il obtient 13 % des intentions de vote, juste derrière Scott Walker, le gouverneur du Wisconsin. Idem dans le New Hampshire, où il talonne Jeb Bush. Son secret ? Faire le buzz en balançant aux médias tout ce qui lui passe par la tête. Y compris les choses les plus nauséabondes.
Je n’aime pas les gens qui ont été capturés », dit-il à propos de McCain, ce héros de la guerre du Vietnam
Première salve le 16 juin, lors de l’annonce de sa candidature. À propos de l’immigration mexicaine, d’ailleurs en nette régression, Trump assène : « Ce pays ne nous envoie pas ses meilleurs éléments. Il nous envoie des gens qui ont beaucoup de problèmes et amènent leurs problèmes avec eux. » C’est-à-dire ? « Ils amènent avec eux la drogue et la criminalité, ce sont des violeurs, même si certains d’entre eux doivent, je suppose, être des gens de qualité. » Trop aimable.
Xénophobie
La saillie xénophobe n’est pas sans rappeler la vieille polémique sur la nationalité d’Obama (le président ne serait pas né aux États-Unis, son acte de naissance aurait été falsifié), que Trump avait complaisamment relayée en 2009. Le pire, c’est qu’elle est aussi électoralement irresponsable – comment s’aliéner plus sûrement le vote crucial des Latinos ? Elle a d’ailleurs entraîné une – timide – levée de boucliers jusque chez ses amis républicains.
Jeb Bush, l’un des favoris pour la primaire, dont la femme est mexicaine, s’est senti « personnellement offensé ». Le gouverneur Chris Christie, autre candidat à la primaire, a critiqué les propos de Trump mais affiché son estime pour « Donald ». « Quelqu’un de bien », paraît-il. La sanction est venue de la chaîne NBC, qui refuse désormais de diffuser les concours de Miss Univers et de Miss America (lequel a trouvé refuge sur une petite chaîne du câble) et a mis un terme à la participation de Trump à The Celebrity Apprentice, le reality show dans lequel il se mettait en scène en train de recruter un assistant. À chaque candidat malheureux, il hurlait : « You’re fired! » [« vous êtes viré ! »]. La phrase est devenue culte…
Provocations
Les républicains ont encore moins apprécié ses attaques à boulets rouges contre John McCain, l’ancien candidat de leur parti à la présidentielle (2008). Ancien militaire, celui-ci a des états de service irréprochables. Pendant la guerre du Vietnam, son avion fut abattu par les Nord-Vietnamiens ; il fut retenu prisonnier pendant plusieurs années et torturé. Cela n’empêche pas l’ineffable Trump de trancher : « McCain est un héros parce qu’il a été capturé. Or je n’aime pas les gens qui ont été capturés. » Le plus invraisemblable est que lui-même a tout fait pour ne pas être envoyé au Vietnam, prétextant une malformation osseuse à un pied. Quel pied ? Il ne s’en souvient plus.
Pour Donald Trump, c’est peut-être la provocation de trop. Selon de nombreux commentateurs, elle pourrait marquer le début du reflux de sa popularité. Si tel est bien le cas, il faudra en tirer la conclusion qui s’impose : même aux États-Unis, le ridicule finit toujours par tuer !
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