Algérie : hausse de tension pour Kameleddine Fekhar dans le Mzab

Après les violences qui ont opposé Arabes et Mozabites dans le Sud algérien, l’heure est aux arrestations. En tête de liste, ce médecin de 52 ans, activiste et meneur des Berbères de la vallée du Mzab.

À Ghardaïa, en avril 2013. © Linsay Mackenzie/Redux-Rea

À Ghardaïa, en avril 2013. © Linsay Mackenzie/Redux-Rea

Publié le 27 juillet 2015 Lecture : 3 minutes.

Le 8 juillet, de violents affrontements entre Arabes malékites et Berbères mozabites faisaient 23 morts en vingt-quatre heures. Le plus lourd bilan depuis 2004, année au cours de laquelle les tensions entre ces deux communautés, qui cohabitent depuis plus de onze siècles dans le Sud algérien, ont commencé à dégénérer en heurts sanglants.

Cette fois, la situation est d’une telle gravité que le président Bouteflika a demandé à l’armée de suppléer les forces de police et de gendarmerie. Dans la foulée, on a annoncé les premières arrestations. Kameleddine Fekhar, un activiste mozabite dont Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, et Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet à la présidence, avaient dénoncé les agissements, a été cueilli au sein même d’une mosquée ainsi qu’une vingtaine de ses compagnons.

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Troisième fois que le docteur Fekhar passe par la case prison

Une arrestation attendue. Des médias et des imams proches de la mouvance salafiste s’en prenaient déjà depuis quelques jours à celui qu’ils désignent comme le principal responsable de la fitna, cette discorde religieuse entre « frères » malékites et ibadites. Présenté devant le juge d’instruction et mis sous mandat de dépôt, Kameleddine Fekhar encourt de très lourdes peines. Il est accusé de tentative de meurtre, d’atteinte à la sûreté et à la souveraineté de l’État, de distribution de tracts, d’incitation à des rassemblements non armés et d’une multitude d’autres chefs d’accusation tout aussi graves.

C’est la troisième fois que le docteur Fekhar passe par la case prison. Né le 9 février 1964 à Ghardaïa, ce père de sept enfants menait de front deux carrières, l’une dans la médecine, l’autre dans la politique. En 1998 il adhère au Front des forces socialistes (FFS) du vieux leader nationaliste Hocine Aït Ahmed dont il sera pendant dix ans l’un des principaux animateurs dans la vallée du Mzab. En octobre 2004, la grève des commerçants mozabites, brutalement réprimée par les services de sécurité, dégénère en violentes émeutes. Accusé d’être l’un des meneurs du mouvement, Fekhar est emprisonné pendant cinq mois avant d’être relâché, mais il sera suspendu de son poste de médecin à l’hôpital de la ville. Il sera de nouveau emprisonné en 2009 pour l’incendie d’un véhicule de police, qu’il aurait commandité à un malade mental. « C’est tout ce que vous avez trouvé cette fois ? » demandera-t-il aux policiers venus l’arrêter.

Militant pour la démocratie et les droits de l’homme

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En septembre 2010, il abandonne l’engagement partisan et adhère à la Ligue algérienne des droits de l’homme. Il militera désormais pour la démocratie et le droit des Mozabites à voir le rite ibadite officiellement reconnu.

Se définissant comme un « journaliste indépendant » et un « militant pacifiste », Fekhar passe l’essentiel de son temps à informer et à s’informer sur les réseaux sociaux. Depuis des années, il s’exprime dans les journaux ou sur les plateaux des chaînes de télévision nationales ou étrangères. Si son activisme et ses prises de position en faveur de l’autonomie du Mzab ont toujours agacé, ses derniers courriers, rédigés les 3 et 8 juillet, où il sollicitait de Ban Ki-moon une intervention de l’ONU pour sauver « le peuple mozabite victime d’un génocide », et une saisine de la Cour pénale internationale, semblent avoir décidé le gouvernement à le faire taire pour un temps.

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Emprisonné à Ménéa, à 267 km au sud de Ghardaïa, et isolé de ses camarades, Fekhar a entamé une grève de la faim.

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