Quand le scénario ghanéen se profile en Zambie
Confronté à la baisse des cours, le deuxième producteur africain de cuivre sollicite les marchés financiers internationaux pour rééquilibrer son budget, plombé par une masse salariale importante.
En tout 1,25 milliard de dollars (1,14 milliard d’euros) ! C’est le montant que vient de lever la Zambie sous forme d’emprunt obligataire pour combler son déficit budgétaire. Cette sortie du pays sur le marché international de la dette est la troisième, et la plus importante par la somme mobilisée mais aussi la plus chère par le taux d’intérêt demandé.
En 2012, lorsque cet État d’Afrique australe avait emprunté 750 millions de dollars (686 millions d’euros) sur dix ans, il l’avait fait à 5,6 %. Et la levée de 1 milliard de dollars, deux ans plus tard, lui avait été possible à un taux de 8,6 %. Cette fois-ci, le deuxième producteur africain de cuivre a dû s’engager à verser aux souscripteurs des intérêts encore plus élevés pour atteindre son objectif. Soit 9,375 % – quand depuis le début de cette année les eurobonds émis par d’autres États africains l’ont été à des taux bien plus faibles. La Côte d’Ivoire a levé, en février, environ 1 milliard de dollars à 6,625 %, et le Gabon, plus récemment, 500 millions de dollars à 6,95 %.
Une situation économique difficile
Les raisons de cette surenchère ? Nicholas Samara, spécialiste des marchés de la dette chez Citigroup, a assuré au quotidien britannique The Financial Times qu’il ne s’agissait pas d’un début de désamour entre les investisseurs en obligations et l’Afrique. Mais, pour lui, « la Zambie paie les difficultés budgétaires de son gouvernement et sa situation économique actuelle ». Il faut dire que celle-ci n’est guère reluisante. Les recettes publiques du pays sont plombées par la chute du prix du cuivre, qui représente les deux tiers des exportations du pays. Le métal rouge, dont le pays est le deuxième exportateur du continent, a vu son cours dégringoler de près de 14 % depuis le début de 2015, et d’environ 22 % sur les douze derniers mois.
La Zambie est devenu une « économie de centre commercial ».
Mais c’est surtout la gestion catastrophique des finances publiques qui inquiète les investisseurs. Depuis 2011, la Zambie a été dirigée par un gouvernement populiste qui a augmenté de manière significative les salaires du secteur public. Grisées par la bonne tenue du prix du cuivre ces dernières années (en juillet 2014, la tonne s’échangeait à plus de 7 000 dollars), les autorités ont augmenté la masse salariale publique.
Un scénario semblable à celui du Ghana
Selon les calculs de la banque américaine Citigroup, celle-ci représentait près de 10 % du PIB en 2014, contre plus 7 % en 2011. Dans une note macroéconomique qu’elle vient de publier, Citigroup ne manque pas de faire le parallèle entre la situation économique de la Zambie et celle que subit depuis quelque temps un autre producteur et exportateur de matières premières, le Ghana. Cette publication a d’ailleurs été intitulée Do a Ghana (« Faites un Ghana »). Deuxième producteur mondial de cacao et producteur de pétrole depuis 2011, ce dernier pays avait commis les mêmes erreurs que la Zambie d’aujourd’hui et s’est très vite retrouvé en difficulté.
En misant sur des revenus futurs tirés des hydrocarbures, les autorités de l’ancienne Côte-de-l’Or avaient augmenté le traitement des fonctionnaires de telle sorte que la masse salariale de la fonction publique et le service de la dette engloutissaient presque l’intégralité du budget du pays. D’après Citigroup, l’une des principales inquiétudes concernant les budgets de nombreux pays d’Afrique subsaharienne est l’équilibre entre les dépenses de fonctionnement et celles en capital.
En Zambie, le déficit budgétaire atteint 4% du PIB
« De plus en plus de gouvernements, comme ceux de la Zambie ou du Ghana, utilisent leurs nouveaux revenus, souvent tirés de l’exploitation des ressources naturelles, pour financer des dépenses de fonctionnement. Alors que ces rentrées d’argent dépendent fortement des prix mondiaux des matières premières, qui sont très volatils. Et que, une fois engagées, ces dépenses sont très difficiles à supprimer », écrit en substance le groupe bancaire. En Zambie, pays autrefois réputé prudent, le déficit budgétaire atteint désormais 4 % du PIB, alors qu’il n’en représentait que 1,6 % en 2011.
Par ailleurs, la situation du compte courant de la Zambie s’est détériorée depuis 2010, année où il a été pour la dernière fois en excédent. Rien de très grave encore, mais la situation commence à inquiéter. Et pour cause : la Zambie est devenue, au cours des années où sa production de cuivre augmentait en même temps que les prix de ce métal, une « économie de centre commercial », c’est-à-dire un pays qui importe presque tout ce qu’il consomme. Et cette tendance a empiré, alors même que la production de cuivre a commencé à stagner. Ainsi, de 2,3 milliards de dollars en 2005, les revenus des exportations du pays ont atteint un pic de 10,8 milliards de dollars en 2013, avant de retomber légèrement à 10,2 milliards de dollars en 2014. Et les importations, elles, passaient de 2,2 milliards de dollars en 2005 à un sommet de 9,2 milliards de dollars en 2013.
Résultat : comme le cédi du Ghana, la monnaie zambienne a perdu en valeur ces derniers mois : le kwacha s’est déprécié de plus de 14 % en 2014 par rapport au dollar américain, et devrait afficher une nouvelle dépréciation de plus de 20 % en 2015, selon Citigroup. Autant d’éléments qui, ajoutés aux incertitudes liées aux élections prévues en 2016, ne rassurent guère les investisseurs.
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