L’accord sur le nucléaire iranien va dans le sens de l’Histoire

L’ONU a agi, cette fois, très vite : son Conseil de sécurité a émis, le 20 juillet, pour la première fois depuis longtemps, un vote unanime sur une question importante.

Réunion sur le nucléaire iranien à Vienne, le 14 juillet 2015 © Carlos Barria / AP

Réunion sur le nucléaire iranien à Vienne, le 14 juillet 2015 © Carlos Barria / AP

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Publié le 27 juillet 2015 Lecture : 5 minutes.

Réuni moins d’une semaine après l’accord de Vienne entre l’Iran et les six grands de la planète*, il a approuvé celui-ci et voté la levée (à court terme) des sanctions économiques et financières infligées à l’Iran.

La Russie s’est aussitôt déclarée prête à rechercher avec les autres puissances, par la voie diplomatique, des solutions aux différends qui les opposent.

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Quelques jours auparavant, le président des États-Unis, Barack Obama, disait avoir été agréablement surpris par l’importante contribution de Moscou à l’accord des six avec l’Iran.

Des diplomates européens ont formulé le vœu de voir les négociations avec ce pays, et leur issue positive, servir de modèle à une relance de la coopération Est-Ouest, mise à mal par l’affaire ukrainienne.

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L’accord sur le nucléaire iranien a une cause principale et une conséquence inéluctable.

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– Il procède de la décision stratégique du président Barack Obama de renoncer à changer le régime iranien par la force et de sortir la République islamique de « l’axe du mal » où l’avait confinée George W. Bush.

Sa conséquence inéluctable est le retour de celle-ci sur la scène internationale comme partenaire commercial des États-Unis et de l’Europe, et comme l’un des acteurs majeurs du Moyen-Orient.

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C’est l’arrivée au pouvoir en Iran, il y a deux ans, par la voie des urnes, du modéré déclaré qu’est Hassan Rohani, explicitement agréé par le Guide suprême, Ali Khamenei, qui a encouragé Obama à mettre enfin en œuvre sa décision stratégique.

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Pour se faire élire, le nouveau président de l’Iran avait annoncé : « Nous devons négocier directement avec « le chef du village » (les Etats-Unis) plutôt qu’avec ses alliés européens et rechercher avec lui les voies et les moyens de notre réinsertion sur l’échiquier international. »

L’intuition de Rohani a été confirmée par les faits : dans l’interminable négociation entre l’Iran et les six, les alliés européens des États-Unis ont joué le rôle de « grognards pour certains, d’utilités pour les autres », sans plus.

Quant à l’Iran et aux États-Unis, ils se sont retrouvés, se sont appréciés et ont conclu. C’est cela qui fait enrager les farouches opposants à l’accord.

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Obama et Rohani donnent l’impression d’avoir atteint leur objectif, puisqu’ils ont signé le compromis auquel leurs diplomates sont parvenus. Mais il leur reste à le faire appliquer ; déterminés et puissants, les adversaires de l’accord vont tout faire pour les en empêcher.

En Iran, ils sont au plus haut de l’échelle : au sein du Parlement, des Gardiens de la révolution, et même dans la tête de Khamenei l’hémisphère gauche de son cerveau lui dit que, sans l’accord, la République islamique aurait fini par être balayée, tandis que son hémisphère droit lui souffle que l’Amérique et l’Occident continuent de vouloir sa perte, mais par d’autres moyens, et qu’Obama est plus dangereux encore que Bush.

Aux États-Unis, la moitié de la population désapprouve l’accord et ses quatre cinquièmes n’ont pas confiance en l’Iran. Le Congrès, dont la majorité républicaine est hostile à Obama, est décidé à empêcher son application. Et le lobby israélien, majoritairement acquis à Netanyahou, est sur la même longueur d’ondes, tandis que nombre de Juifs américains sont troublés par l’hostilité de la majorité des Israéliens et de leurs forces politiques (travaillistes inclus) à l’égard de cet accord.

En Israël, bien sûr, où le Premier ministre Netanyahou a brûlé toutes ses cartes avec Obama et érigé en objectif personnel et national l’échec de la politique américaine au Moyen-Orient.

En Arabie saoudite, enfin, dont le régime voue une haine féroce à l’Iran chiite, qu’il considère comme plus dangereux qu’Israël.

Entre les partisans de l’accord et ceux qui n’en veulent à aucun prix, une bataille vient de s’engager dont l’issue, incertaine, ne sera connue qu’au début de 2016. Mon pronostic est que cet accord, qui va dans le sens de l’Histoire, triomphera des obstacles et finira par entrer dans les faits.

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Barack Obama et John Kerry, d’une part, Hassan Rohani et Javad Zarif, d’autre part, ont entrepris, chacun de leur côté, de faire le nécessaire pour venir à bout des résistances. Je fais confiance à leur détermination et à leur savoir-faire pour y parvenir.

Les Américains ont déjà dissuadé l’Arabie saoudite et les Émirats d’emboîter le pas à Netanyahou. Javad Zarif va leur rendre visite pour, autant que faire se peut, atténuer leur hostilité et leurs craintes ; l’Iran fera des concessions à l’Arabie saoudite sur le Yémen.

L’invitation lancée par l’Iran à Laurent Fabius, qui s’est échiné à retarder la signature de l’accord en en durcissant les termes, procède de la même habileté.

Il voulait observer « un délai de décence » avant de se rendre à Téhéran et a dû y renoncer sous la pression des hommes d’affaires français.

Il constatera que ces derniers ont été précédés par leurs homologues allemands, britanniques et américains : ils se bousculent au portillon pour reprendre pied en Iran, dont les dirigeants les accueillent avec des propositions si alléchantes qu’ils forment déjà un puissant lobby favorable à la levée des sanctions.

La Russie, de manière ouverte et déclarée, les États-Unis, sans le dire, comptent sur l’Iran (et la Turquie) pour l’épreuve de force décisive avec « l’État islamique ».

« Les bombardements américains ont jusqu’ici contenu l’avancée de ‘l’Etat islamique ». Mais il faut une action sur le terrain que seuls l’Iran, les Kurdes et la Turquie sont capables de mener. »

Soutenue par les experts russes, dont Vladimir Sazhin, porte-parole de leur Académie des sciences, cette thèse est partagée par les Américains et les Européens.

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Plus important que tout ce qui précède : l’Iran est déjà un État moderne, à la population éduquée et doté d’un complexe militaro-industriel de niveau international.

Cent mille Iraniens en font partie, qui savent enrichir l’uranium, construire des satellites, des missiles, des navires de guerre et des drones.

Les États-Unis et les Européens l’ont compris et admis, mais pas Netanyahou, qui pense qu’on peut et doit faire revenir l’Iran en arrière.

Son idée fixe est d’affaiblir Téhéran, de l’isoler et de le diaboliser, tandis que les États-Unis en ont besoin pour les aider à éliminer la grande menace de « l’État islamique ».

À cause de Netanyahou et de sa politique, le monde entier va s’apercevoir que les États-Unis et Israël n’ont plus ni les mêmes intérêts ni les mêmes ennemis.

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* États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France et Allemagne.

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