Burkina Faso : Bénéwendé Sankara, robe noire et béret rouge
Ne vous fiez pas à son patronyme : avec le capitaine révolutionnaire, l’avocat Bénéwendé Sankara n’a qu’une filiation… politique. Celle-ci le mènera-t-il, en octobre, jusqu’à la présidence du pays ?
La scène se déroule mi-octobre 2014, dans la résidence de l’ambassadeur de l’Union européenne à Ouagadougou. Les diplomates occidentaux y reçoivent les leaders de l’opposition qui font bloc contre le projet de modification constitutionnelle qui permet au chef de l’État, Blaise Compaoré, de se représenter. Parmi eux, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, éternel opposant et président de l’Union pour la renaissance-Parti sankariste (Unir-PS). À ses interlocuteurs préoccupés par la tension ambiante au Burkina, celui-ci affirme que si « Blaise » ne renonce pas, l’Assemblée nationale va brûler.
Enchaînement des événements
Il n’imagine pas une seconde que, quinze jours plus tard, pris d’assaut par des milliers de manifestants, l’hémicycle partira vraiment en fumée. Ce matin du 30 octobre, le député sankariste rejoindra la foule au pas de course, en sueur dans son costume marron, le drapeau national serré contre sa poitrine. De cette journée historique, il dit sans hésiter un instant qu’elle a été « la plus belle de sa vie ». « J’en ai pleuré. Je ne pouvais pas imaginer une insurrection d’une telle ampleur, même si je sentais bien que la révolte couvait », affirme-t-il aujourd’hui.
Il compte bien perturber le duel annoncé entre Zéphirin Diabré et Roch Marc Christian Kaboré »
Neuf mois plus tard, le voilà candidat à l’élection présidentielle, dont le premier tour doit se tenir le 11 octobre. Après ses précédentes tentatives en 2005 et 2010 (il avait recueilli 5 % puis 6 % des voix), ce natif de Yako est convaincu qu’il pourrait perturber le duel annoncé entre les favoris Zéphirin Diabré (UPC) et Roch Marc Christian Kaboré (MPP). S’il lui reste encore à unifier l’ensemble des mouvements sankaristes autour de sa candidature, le contexte lui semble favorable. Le régime Compaoré, contre lequel il a lutté pendant des années, est tombé ; et l’atmosphère postinsurrectionnelle, combinée à la réhabilitation de Thomas Sankara, ne peut que profiter à celui qui se définit encore comme un « révolutionnaire » et un « héritier » du capitaine au béret rouge.
Un sankariste de la première heure
Malgré son patronyme, cet avocat affable de 56 ans n’a aucun lien de parenté avec l’ancien président assassiné le 15 octobre 1987. Quitte à choisir, il aurait même préféré s’appeler autrement, « pour ne pas avoir à justifier [son] engagement, qui n’a rien à voir avec [son] nom ». Car Bénéwendé est un sankariste de la première heure. Étudiant en droit sous la révolution, ce fils de cultivateur a milité dès le début dans un comité de défense de la révolution à l’université de Ouagadougou.
Resté au pays après l’arrivée au pouvoir de Compaoré, il a exercé la fonction de professeur de français dans un lycée privé avant d’intégrer, au début des années 1990, son premier cabinet d’avocats. En 1994, il décide d’ouvrir sa propre structure pour assurer son indépendance. « J’avais une réputation de tête brûlée, se souvient-il. J’étais l’avocat qui récupérait les dossiers chauds d’opposants ou de journalistes mis en cause par le régime. »
Un grand avocat
David Ouédraogo, Norbert Zongo, Thomas Sankara… Il a plaidé dans toutes les grandes affaires d’État qui ont émaillé les vingt-sept ans de règne de Compaoré. Mais celle qui lui tient le plus à cœur reste l’assassinat de « Thom’ Sank’ ». Fin septembre 1997, Mariam, la veuve de Thomas, l’a sollicité pour devenir son avocat et déposer sa première plainte devant la justice burkinabè. Et après dix-huit longues années de blocage et de déni judiciaire, l’enquête sur les événements de 1987 a finalement été relancée début 2015 par les autorités de transition. Les corps supposés de Sankara et de ses douze compagnons ont été exhumés mi-mai et des expertises, notamment des analyses ADN, devraient bientôt permettre d’en savoir plus.
« Je n’ai aucun doute sur le fait qu’on finira par découvrir la vérité. L’insurrection ne doit pas être trahie », assène Me Sankara. Et d’ajouter, en bon avocat et ancien opposant, que « Blaise Compaoré devra, un jour ou l’autre, répondre de ses actes ».
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