Alassane Bâ, Africa50 : « Nous espérons réaliser nos premiers investissements avant la fin de l’année »
Le fonds Africa50 pour le financement des infrastructures est lancé. Son directeur détaille ses objectifs.
Il y a eu des cafouillages depuis son lancement en mai 2013. Entre l’annonce d’une introduction sur le Nasdaq et celle de l’apport de 50 millions de dollars (45,2 millions d’euros) par l’homme d’affaires nigérian Kola Aluko, on ne savait plus où en était vraiment le processus de création d’Africa50, cette initiative portée par la Banque africaine de développement (BAD) pour financer des infrastructures sur le continent. Les choses semblent désormais se concrétiser.
Le 29 juillet, dans la capitale économique du Maroc, une vingtaine de pays africains ont tenu l’assemblée générale constitutive de ce fonds domicilié à Casablanca Finance City. Africa50 démarre ainsi avec un capital initial de 830 millions de dollars apporté par ces premiers actionnaires. Un processus de recrutement, mené par un cabinet international dont le nom n’est pas communiqué, est également en cours pour choisir le management du fonds. En attendant, Alassane Bâ, ancien directeur général de Shelter Afrique, qui dirige cette institution depuis le mois de mai, a expliqué ses priorités à Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Deux ans après l’annonce de sa création, Africa50 est effectivement né ce 29 juillet avec un capital de 830 millions de dollars, loin des 3 milliards annoncés au départ. Pourquoi ?
Alassane Bâ : C’est un montant apporté par vingt pays africains et la BAD pour l’instant. Nous avons voulu démarrer notre plan stratégique de cette manière pour que nos États s’approprient l’initiative. Notre objectif, c’est de mobiliser l’épargne africaine, et ensuite d’autres ressources venant de l’extérieur.
Vingt États africains qui mettent autant d’argent pour lancer une initiative, c’est du jamais-vu !
Africa50 a peut-être du mal à lever des fonds, comme le disent certains financiers ?
Non, ce n’est pas exact. Vingt États africains qui mettent autant d’argent pour lancer une initiative, c’est du jamais-vu ! Nous visons un capital de 3 milliards de dollars à moyen terme, c’est-à-dire dans trois ans environ. La mobilisation de ressources au niveau international prend du temps à cause des procédures, des autorisations et des vérifications. Et puis il ne faut pas oublier que nous n’avions pas de structure juridique. C’est désormais chose faite.
Qui sont les principaux actionnaires d’Africa50 ?
Le Congo est en tête avec 200 millions de dollars, suivi du Maroc et de l’Égypte. Il y a aussi le Cameroun ou encore la Côte d’Ivoire… Et la BAD, naturellement : elle a investi 100 millions de dollars pour commencer. Sa participation pourrait atteindre 500 millions de dollars. Avec d’autres pays africains, nous nous préparons pour un second closing avant la fin de l’année pour dépasser le milliard de dollars d’engagement.
Votre fonctionnement sera-t-il proche de celui d’un fonds d’investissement ou de celui d’une banque ?
Nous aurons pratiquement le fonctionnement d’une banque puisque notre durée de vie est de quatre-vingt-dix-neuf ans. Bien loin de celle des fonds classiques, qui est de dix à quinze ans. Nous avons un statut juridique hybride : notre structure de gouvernance se situe entre celle des institutions financières internationales et celle des entreprises privées.
En réalité, Africa50 est constitué de deux compagnies : une société de financement de projets et une société de développement de projets. Ces deux entités seront juridiquement séparées mais travailleront ensemble. La société de financement fonctionnera comme une banque, elle financera des projets « bankables » provenant de différentes sources, y compris ceux préparés par la société de développement, spécialisée dans les études prouvant qu’un projet est rentable. C’est cette dernière qui apporte une vraie valeur ajoutée.
En quoi cette démarche est-elle différente de celle des autres institutions financières ?
Nous cherchons la rentabilité. Nos critères d’intervention sont purement commerciaux parce que nous sommes soumis à l’obligation de payer des dividendes à nos actionnaires. Nous espérons y parvenir dès la troisième ou la quatrième année après une période de démarrage qui sera sans doute déficitaire. C’est pour cette raison que nous avons besoin d’être une institution extrêmement rapide, prenant des décisions basées sur des critères commerciaux mais aussi sur l’impact sur le développement.
Quels types d’infrastructures allez-vous financer ?
Tout d’abord l’énergie – l’électricité -, ensuite tout ce qui concerne les infrastructures de transport – les ports, aéroports, routes à péages… -, les nouvelles technologies de l’information et enfin ce qui concerne l’eau. Nous nous cantonnerons à ces quatre domaines exclusivement.
Pour quand vos premiers investissements sont-ils prévus ?
Nous sommes en train de passer en revue un portefeuille de projets. D’ici à la fin de l’année, nous ferons nos premiers investissements. Pour commencer, nous allons gérer des projets de taille moyenne pour accélérer leur « bankabilité » et leur financement. Cela nous permettra de gagner en confiance.
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