Mustapha El Mnasfi : « Au Maroc, on exclut les jeunes des décisions »

Spécialiste des questions de démocratie participative et de gouvernance urbaine, Mustapha El Mnasfi, 37 ans, est chercheur associé en sciences politiques au Centre Jacques-Berque de Rabat, sa ville natale. Au niveau national comme à l’échelon local, il étudie la participation des jeunes aux politiques publiques. Et à la politique en général.

Mustapha El Mnasti. © Mohamed Drissi K pour J.A.

Mustapha El Mnasti. © Mohamed Drissi K pour J.A.

Publié le 5 août 2015 Lecture : 2 minutes.

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Jeune Afrique : Les jeunes sont-ils associés à l’élaboration des politiques publiques au Maroc ?

Mustapha El Mnasfi : À l’échelle nationale, absolument pas. La principale cause est l’absence d’outils qui leur permettraient de participer aux prises de décisions. Je ne parle pas ici de leur représentation au Parlement, mais du manque d’outils participatifs : des lieux réservés à leur accueil et destinés à recueillir leur opinion, des moyens de communication spécifiques… Tout ce qui permettrait une concertation avec eux.

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Au niveau local, ils sont également exclus des décisions qui les concernent. Certaines initiatives, comme celles des conseils locaux des jeunes mis en place grâce à l’USAid [Agence des États-Unis pour le développement international] dans certaines villes comme El Jadida, Salé et Fès, aident à mieux les associer à la prise de décision locale, mais elles sont rares. Cette expérience pourrait servir de fil conducteur au Conseil de la jeunesse et de la vie associative, inscrit dans la Constitution de 2011, qui pourrait coordonner ces initiatives au plan national.

Ils expriment leur frustration sur les réseaux sociaux ou se lancent dans l’action associative

La jeunesse marocaine est-elle dépolitisée ?

Les jeunes votent très peu, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de conscience politique, bien au contraire. L’abstention est un mode d’expression politique silencieux qui traduit un manque de confiance envers les institutions publiques. Les responsables politiques ne répondent pas à leurs attentes et on assiste à un véritable conflit larvé avec les élus locaux : ces derniers considèrent les jeunes comme des incompétents, et ceux-ci les perçoivent en retour comme des arrivistes ne cherchant qu’à servir leurs intérêts personnels.

Il faudrait une politique forte au sein des partis pour changer les mentalités. Les quotas instaurés lors des législatives [30 sièges sont réservés à une liste nationale des jeunes] ne sont pas une solution. Et il n’existe pas d’équivalent sur le plan local. Cette frustration des jeunes, qui aspirent à entrer en politique et ne trouvent pas leur place au sein des partis traditionnels, où le renouvellement des élites est bloqué, s’exprime sur les réseaux sociaux et trouve une alternative dans l’action associative.

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Le processus de régionalisation pourrait-il permettre l’émergence de nouveaux responsables locaux, notamment de jeunes ?

Seulement si les bureaux politiques des partis le veulent bien. L’émergence d’une élite locale dépend de la volonté des formations politiques, c’est donc à elles de revoir leur mode de fonctionnement. Sans démocratie interne, pas de renouvellement ! Le choix des candidats locaux étant encore fortement centralisé, ce renouvellement passera forcément par les instances centrales des partis.

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Il y a en outre un vrai travail de fond à réaliser, car les jeunes font encore moins confiance aux institutions locales en raison du clientélisme qui y règne. Qu’une forme de « journalisme citoyen », née avec le Printemps arabe, ne se gêne pas pour dénoncer, vidéos à l’appui, les malversations de certains hommes politiques ne fait qu’alimenter ce sentiment de défiance.

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