Maroc : prix Label de l’agriculture
Ils sont doux au palais ou flattent les narines… Deux cents produits du terroir font l’objet d’un traitement de faveur. Pour le plus grand bien de l’économie des régions.
Le Maroc à l’heure locale
Les villes s’aménagent, les services s’améliorent, le quotidien des habitants aussi, y compris en milieu rural. Le pays a-t-il trouvé la clé du développement solidaire ? Réponse au fil des territoires du royaume, à quelques semaines des élections communales, provinciales et régionales prévues le 4 septembre.
Clémentines de Berkane, pommes de Midelt, agneau de Béni Guil, fromage de chèvre de Chefchaouen, huile d’argan d’Essaouira ou safran de Taliouine… Autrefois cantonnés à une utilisation locale et traditionnelle, les produits du terroir font désormais l’objet d’une stratégie nationale de distribution, qui vise à en faire un levier de développement économique et social pour les régions du pays. Ces dernières années, certaines de ces spécialités locales ont même acquis une notoriété internationale.
Selon le ministère de l’Agriculture, il existe plus de 200 produits agroalimentaires de terroir au Maroc, mais ils contribuent à peine à 1 % du PIB du pays (contre 14 % en France). « Cela montre tout notre potentiel », s’enthousiasme Najib Mikou, directeur général de Maroc Taswiq, l’établissement public chargé de la commercialisation de ces produits.
La stratégie de valorisation des terroirs commence à donner des résultats.
Stratégie de valorisation des terroirs
Partie intégrante du Plan Maroc vert (PMV) lancé en 2008 par Aziz Akhannouch, le ministre de l’Agriculture, cette stratégie de valorisation des terroirs commence à donner des résultats. Elle a également apporté de la visibilité aux petits agriculteurs, qui mutualisent de plus en plus leurs efforts et leur production en créant des coopératives spécialisées. « Depuis l’indépendance [en 1956] jusqu’en 2007, seulement 4 000 coopératives avaient été créées, alors qu’entre 2007 et 2014, on a en a recensé 10 000, souligne Najib Mikou. Soit deux fois plus en sept ans qu’en cinquante ans ! »
Exemple à Aït Baâmrane, dans le Souss (Sud). Cette région, l’une des plus pauvres du royaume, dispose en effet d’une richesse inestimable : la figue de barbarie, issue du cactus, dont est extraite la « miraculeuse » huile de graine utilisée en Europe par les grandes marques de cosmétiques. Jusque-là inexploité, ce petit trésor agricole, labellisé indication géographique protégée (IGP), est désormais au centre du développement de Aït Baâmrane, où il fait vivre plus de 6 600 producteurs. « Nous disposons de 50 000 hectares et produisons 400 000 tonnes de figues, soit un rendement de 8 t/ha », explique un responsable local. Mais le PMV a fixé des objectifs bien plus ambitieux. « D’ici à 2020, nous comptons améliorer le rendement à 10 t/ha et atteindre une production annuelle de plus de 600 000 t. On vise aussi la création de 1,3 million de jours de travail, soit une progression de 73 % par rapport à l’année du lancement du PMV », explique Lahcen Jaby, chef de la division du partenariat et de l’appui au développement de la direction régionale de l’agriculture de la région Souss-Massa-Drâa.
Groupements et labellisation
Cette évolution devrait profiter d’abord aux agriculteurs et aux coopératives locales, qui, pour valoriser leurs figues de barbarie, se sont réunies en 2011 au sein d’un groupement d’intérêt économique (GIE) : Sobbar Aït Baâmrane. Objectif : augmenter considérablement la valeur ajoutée de la filière en la faisant passer de 350 millions de dirhams (environ 32 millions d’euros) par an à 616 millions de dirhams d’ici à 2020.
Cette méthode utilisée pour le cactus est peu ou prou la même pour les autres produits du terroir. Plus d’une vingtaine d’entre eux ont obtenu la labellisation d’appellation d’origine protégée (AOP) ou d’IGP, qui leur permet de bénéficier du soutien de l’État.
« Chaque région dispose de ses propres produits et de sa propre carte de visite. Cette spécificité du Maroc peut servir de locomotive de développement local. Mais il reste à résoudre la question de la commercialisation, qui est le parent pauvre du système, car les coopératives n’ont pas forcément accès aux circuits de distribution ni à ceux de l’export », fait remarquer un gérant de coopérative.
Un vaste chantier
Un vaste chantier auquel s’est attelé l’État, en s’appuyant sur Maroc Taswiq, afin de barrer la route aux réseaux des intermédiaires, qui, pour le moment, sont les premiers bénéficiaires de ces richesses issues du sol et que produisent des petites mains. « Au début, on croyait qu’en produisant plus et mieux nous allions régler les problèmes de ces localités, mais nous avons découvert que cet essor a davantage profité aux vampires de l’intermédiation qu’aux producteurs. Notre mission, c’est justement de contourner ce circuit pour faire en sorte que le travail des petits producteurs soit mieux rémunéré », explique Najib Mikou, convaincu que les produits de terroir peuvent entraîner une « révolution industrielle rurale » et devenir l’un des « métiers mondiaux du Maroc » (MMM), tels que définis dans le Pacte national pour l’émergence. C’est-à-dire un secteur où le pays dispose d’importants avantages compétitifs, qui fournit des recettes conséquentes ainsi que des emplois, comme l’automobile, l’aéronautique ou l’offshoring.
Talaouine, le pays du Safran
Non loin de Ouarzazate, la localité rurale de Taliouine abrite un véritable trésor, surnommé or rouge : le safran. Patiemment récoltées depuis cinq siècles, les délicates fleurs de crocus sont à l’origine de l’épice la plus chère du monde. Il en faut en effet une énorme quantité pour extraire de leurs pistils quelques grammes de ce précieux condiment (soit environ 150 fleurs pour 1 gramme de safran sec). Un travail que réalisent avec art et minutie les femmes de Taliouine.
Utilisé en gastronomie, le safran, exporté un peu partout, s’arrache à prix d’or. Son cours peut atteindre les 30 000 euros le kg sur les marchés mondiaux. Un dividende dont ne profitent pourtant pas les populations locales, puisqu’il est presque entièrement absorbé par la chaîne de grossistes et d’intermédiaires qui pullulent dans la région.
Pour y remédier, le Maroc (quatrième producteur mondial, avec 3 tonnes/an) a lancé en 2010 un important programme pour revaloriser la filière et intégrer les paysans à la chaîne de création de valeur en étendant la surface de production, en l’équipant de systèmes d’irrigation sophistiqués et en protégeant le produit (avec la création d’une appellation d’origine protégée, AOP). En 2011, Mohammed VI a par ailleurs créé une Maison du safran à Taliouine, dotée d’un laboratoire de recherche et développement (R & D), d’un centre de formation aux techniques de production et de commercialisation, ainsi que d’une Bourse du safran pour la fixation des prix et la régulation du marché. Objectif : créer 600 emplois, faire passer le rendement à l’hectare de 2,5 kg à 6,5 kg et, surtout, augmenter le revenu moyen à l’hectare des travailleurs de la filière de 18 932 à 97 495 dirhams (d’environ 1 750 à 9 000 euros) d’ici à 2020.
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