Argentine : Daniel Scioli, l’héritier ambigu

Malgré une méfiance réciproque, c’est sur lui que la présidente parie pour prendre sa relève. Et selon les sondages, il a de grandes chances de remporter l’élection du 25 octobre.

Le gouverneur de Buenos Aires (à dr.) avec Cristina Kirchner, le 25 mai. © Presidencia/AFP

Le gouverneur de Buenos Aires (à dr.) avec Cristina Kirchner, le 25 mai. © Presidencia/AFP

Publié le 3 août 2015 Lecture : 3 minutes.

Daniel Scioli serait-il enfin sur le point de réaliser son rêve ? Reçu par le président cubain, Raúl Castro, le 22 juillet à La Havane, le candidat à la présidence argentine a déjà l’étoffe d’un chef d’État. À trois mois de l’élection présidentielle, tous les sondages prédisent sa victoire sous les couleurs du Front pour la victoire (FPV), la coalition de centre gauche menée par la présidente sortante, Cristina Kirchner. Les primaires du 9 août ne devraient donc être qu’une formalité.

Cristina l’a adoubé à contre-cœur 

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Pourtant, Scioli, 58 ans, n’a pas toujours été un kirchnériste convaincu et la veuve de Néstor Kirchner le considérait encore il y a peu comme son rival. Si elle a fini par adouber celui dont elle n’a cessé de critiquer la gestion de la province de Buenos Aires, c’est parce qu’elle n’avait pas d’autre option. Le gouverneur Scioli, resté populaire alors que le gouvernement baissait dans les sondages, est l’un des seuls, au FPV, à pouvoir relever le défi de l’élection du 25 octobre face aux deux grands candidats d’opposition : l’ancien chef de cabinet de la présidente, Sergio Massa (Frente Renovador), et Mauricio Macri, maire de Buenos Aires et leader de la coalition de droite (Propuesta Republicana), qui ont tous deux promis d’en finir avec le kirchnérisme. « Tout ce qui intéresse Cristina, c’est de barrer la route à ses ennemis », confirme une source proche du pouvoir. De fait, avec 38 % d’intentions de vote, le dauphin de Kirchner a une longueur d’avance sur Macri (26,6 %) et Massa (12,1 %).

Du sport à la politique, en passant par les affaires

Humble et docile face aux provocations de la présidente ces dernières années, ce sportif de haut niveau ne semblait pas destiné à viser un jour la présidence. Originaire de Buenos Aires, il commence à participer à des compétitions de motonautisme à l’âge de 29 ans. Il est vice-champion du monde dans la catégorie 6 litres offshore quand, en 1989, pendant la course des 1 000 km del Delta Argentino, sur le fleuve Paraná, il perd son bras droit dans un accident. Il n’abandonne pas pour autant sa carrière et, doté d’une prothèse, remporte huit championnats mondiaux. En parallèle, Scioli se tourne vers le monde de l’entreprise. La firme suédoise Electrolux, qui avait quitté le pays en 1983, le nomme représentant local en 1991. Et quand elle revient en Argentine, quatre ans plus tard, c’est Scioli qu’elle nomme PDG.

Sa vie prend un nouveau tournant en 1997 quand son ami le président Carlos Menem, qui fut son partenaire lors d’une course, lui propose d’entrer en politique. Scioli est élu député la même année, prenant la tête du Comité des sports, puis réélu en 2001. Secrétaire d’État aux Sports et au Tourisme dans le gouvernement intérimaire d’Eduardo Duhalde en 2002, vice-président de Néstor Kirchner (2003-2007) puis gouverneur de la province de Buenos Aires, il opère un nouveau virage politique en mai 2012 quand il annonce sa candidature à la présidence, devenant l’espoir électoral du FPV.

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La victoire semble à portée de main pour lui

« Les deux grandes variables de cette élection sont la continuité et le changement. Scioli balance entre un message modéré vis-à-vis des médias hostiles à Kirchner et un discours plus radical, voyage à Cuba inclus, pour les kirchnéristes », souligne Carlos Malamud, spécialiste de l’Amérique latine à l’Institut Real Elcano, à Madrid. Oubliées les tensions avec Cristina ! Le candidat du FPV n’hésite pas à exalter la figure du défunt Néstor Kirchner, de même qu’il ne tarit pas de compliments envers son fils, Máximo. Ce dernier a créé, en 2003, La Cámpora, mouvement de jeunesse kirchnériste qui n’a jamais vu d’un bon œil l’ascension du gouverneur, accusé d’être trop proche du groupe de médias d’opposition Clarín.

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Désormais, pour Daniel Scioli, la victoire semble à portée de main. Le cas échéant, qu’en fera-t-il ? Sera-t-il l’héritier grâce auquel Cristina pourra continuer d’exercer le pouvoir à distance ? Ou bien s’émancipera-t-il de sa tutelle, tournant ainsi la page Kirchner sur laquelle s’écrit, depuis plus de dix ans, l’histoire de l’Argentine ?

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