L’Amérique est-elle raciste ?

Soixante ans après le début du mouvement pour les droits civiques, le combat est loin d’être terminé. Si l’un d’eux a été élu président, les Africains-Américains subissent toujours préjugés, injustices et violences.

Publié le 4 août 2015 Lecture : 4 minutes.

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L’Amérique est-elle raciste?

Soixante ans après le début du mouvement pour les droits civiques, le combat est loin d’être terminé. Si l’un d’eux a été élu président, les Africains-Américains subissent toujours préjugés, injustices et violences.

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Discrimination à l’embauche, pour le logement, face aux peines de prison, surfacturation à l’achat d’un véhicule… La vidéo Racism is Real (« Le racisme est réel »), postée en avril sur YouTube, entend réveiller les consciences. Elle montre qu’au quotidien les Africains-Américains demeurent victimes d’injustices dans tous les domaines. Le site internet du magazine Vox, qui l’a relayée en juillet, l’a accompagnée d’une recommandation simple : « La prochaine fois que quelqu’un dira que le racisme n’est pas une réalité, montrez-lui cette vidéo. »

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Des bavures policières presque quotidiennes

À ces discriminations s’ajoutent celles de la police, dont les bavures épouvantables, principalement contre les Noirs, viennent quasi quotidiennement alimenter l’actualité. Ces derniers jours, l’inculpation d’un policier blanc de Cincinnati pour le meurtre, le 19 juillet, d’une balle dans la tête d’un Noir américain de 43 ans, Sam DuBose, déchaîne une nouvelle fois les passions. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon la police de New York, en 2012, 284 229 Noirs ont été contrôlés, contre 165 140 Hispaniques et 50 366 Blancs.

Face à la colère légitime d’une partie de l’opinion publique après la mort de Michael Brown, abattu de six balles le 9 août 2014 par la police de Ferguson, le président Barack Obama a ordonné le 18 décembre la création d’un groupe de travail (Task Force on 21st Century Policing), effectif depuis mars, pour mener des réformes structurelles. L’objectif : rétablir « la confiance entre les forces de sécurité et les gens qu’elles protègent », condition nécessaire « à la démocratie et à la stabilité des communautés ».

Démilitarisation de la police, mesure phase

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L’une des mesures majeures est la démilitarisation de la police. En effet, le déploiement depuis vingt ans sur l’ensemble du territoire d’unités spéciales surarmées (le Swat), y compris dans des villes de taille moyenne, aura surtout eu pour conséquence d’accroître l’hostilité des quartiers pauvres, majoritairement noirs, envers les autorités. Selon l’Union américaine pour les libertés civiles, les principales cibles de ces unités quasi militaires sont les Africains-Américains, puisque, entre 2011 et 2012, 39 % des interventions du Swat les concernaient, contre 20 % pour les Blancs, 11 % pour les Hispaniques et 30 % pour « les autres ».

Après la diffusion d’images terrifiantes d’armes de guerre pointées sur les manifestants de Baltimore – qui défilaient en réaction à la mort de Freddie Gray, 25 ans, décédé à l’hôpital après sa violente arrestation le 12 avril -, le président a de nouveau réagi. Le 19 mai, il a fait interdire « certains équipements conçus pour le champ de bataille qui n’ont pas leur place entre les mains de la police locale » et lancé un plan pour équiper les policiers de caméras embarquées.

Face à la justice, les Noirs américains subissent un racisme d’un système que Barack Obama a qualifié lui-même de « cassé »

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Les préjugés raciaux demeurent bien ancrés

Mais ces mesures ne régleront pas tout. Les préjugés raciaux, selon lesquels les hommes noirs seraient dangereux, restent bien ancrés. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les autorités américaines se sont moins préoccupées de surveiller les suprémacistes blancs que de protéger leur territoire contre les actes de terrorisme. La tuerie de l’église de Charleston, le 17 juin, perpétrée par l’un d’entre eux, Dylan Roof, est un nouvel exemple de la capacité de nuisance de ces extrémistes.

La situation a certes évolué depuis les origines de la lutte pour les droits civiques. Les opinions racistes, si courantes il y a cinquante ans, et qui s’étalaient même dans la presse, ne sont désormais plus acceptables. Mais les différences sociales entre Noirs et Blancs demeurent encore aujourd’hui très importantes. Si la politique de discrimination positive lancée par le président John F. Kennedy au début des années 1960 a permis de faire émerger une classe moyenne noire, elle n’a pas profité aux plus défavorisés de cette communauté, pourtant majoritaire, dont les conditions matérielles et économiques n’ont cessé de se dégrader.

Une justice partiale

Et face à la justice, les Noirs américains subissent un racisme d’un système que Barack Obama a qualifié lui-même de « cassé ». Le 14 juillet dernier, devant l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur (NAACP), le président a reconnu que « les Africains-Américains ont plus de chance [que les Blancs] d’être arrêtés, et d’être condamnés à des peines supérieures pour les mêmes délits ». Deux jours plus tard, il se rendait dans une prison de l’Oklahoma, une première pour un président américain en exercice, afin de dénoncer le problème de la surpopulation carcérale. Sur les 2,2 millions de prisonniers américains, soit 25 % des détenus dans le monde, 60 % sont des Noirs ou des Hispaniques.

Un engagement sur les questions d’égalité sociale et raciale qui peut sembler tardif, près de sept ans après sa prise de pouvoir. Mais Barack Obama s’est trouvé en prise avec la realpolitik de son pays : durant ses deux mandats, il a été contraint dans son action par un Congrès à majorité républicaine et a pris toutes les précautions pour ne pas apparaître comme le président des Africains-Américains, mais bien celui de tous les Américains. Comme ses prédécesseurs, il n’aura finalement pas réussi à faire bouger fondamentalement les lignes de force de la société américaine.

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