Libye : Seif el-Islam Kadhafi, comme dans un mauvais film
Un tribunal de Tripoli a condamné à mort le fils préféré du défunt « Guide » libyen. Détenu par des miliciens de Zintan, l’ancien dauphin putatif comparaissait par vidéoconférence.
«Peine capitale par contumace » : le verdict rendu le 28 juillet par le tribunal de Tripoli à l’encontre de Seif el-Islam, le fils préféré de l’ancien « Guide » Mouammar Kadhafi, jugé avec 37 hauts responsables de l’ancien régime pour assassinats, pillages, sabotage, actes portant atteinte à l’union nationale, corruption, incitation au viol et recrutement de mercenaires étrangers, n’a étonné aucun des prévenus.
Le successeur putatif du dictateur libyen était la vedette d’un procès dont il était absent. En cage et arborant, comme pour toutes ses audiences passées, la combinaison bleu électrique des prisonniers, il comparaissait en vidéoconférence depuis Zintan (Ouest), où il est gardé dans le plus grand secret, tel un trophée. Ses geôliers ? Des milices opposées au gouvernement de Tripoli, qui l’avaient capturé en novembre 2011 dans la région d’Oubari (Sud-Ouest) après qu’un de ses hommes l’eût trahi.
Un procès controversé
Seif el-Islam, 43 ans, architecte et également titulaire d’un MBA en économie et management obtenu en Autriche, aurait sans doute préféré être déféré devant la Cour pénale internationale (CPI), qui l’avait inculpé pour crimes contre l’humanité mais devant laquelle il ne risquait pas sa tête. Celui qui a été l’un des hommes les plus puissants de Libye n’est plus maître de son sort : c’est devant un tribunal libyen qu’il a dû répondre de ses actes lors d’un procès controversé, entaché de vices de procédure et orchestré par une coalition de groupuscules islamistes dont la compétence est mise en doute.
Beaucoup estiment que l’insurrection de 2011 a fait tomber son masque réformiste.
Impassible, l’ancien jet-setter, dont le nom signifie « glaive de l’islam », ne peut guère se défendre. Lors du soulèvement de 2011, il se range aux côtés de son père et poursuit de sa vindicte les révolutionnaires, en qui il voit des islamistes à la solde d’Al-Qaïda – ce en quoi il n’avait pas tout à fait tort. Il menace alors de faire couler « des fleuves de sang » et de se battre « jusqu’à la dernière balle ». Un virage à 180 degrés pour celui qui avait tenté de se démarquer de l’auteur du petit livre vert en prônant depuis 1998 l’adoption de réformes, au point d’être devenu un interlocuteur privilégié des Occidentaux et un espoir d’ouverture pour une partie de la population.
« Ingénieur Seif » était intervenu sur de nombreux dossiers
Polyglotte à l’allure branchée, Seif el-Islam avait pu intervenir sur des dossiers brûlants en mettant à profit sa position à la tête de la Fondation internationale Kadhafi pour la charité et le développement. « Ingénieur Seif », comme le surnomment ses proches, aura ainsi contribué à ce que la Libye renonce aux armes de destruction massive, pesé en faveur de l’indemnisation des victimes des attentats du Boeing de la Pan Am à Lockerbie (1988) et du DC-10 d’UTA (1989), ainsi que dans la libération des infirmières bulgares, en 2007. Il avait également œuvré pour la levée des sanctions internationales contre le régime de Tripoli en 2004. Ses initiatives en faveur d’une presse indépendante et de l’élaboration d’une Constitution avaient donné à ce passionné de grosses cylindrées une certaine crédibilité dans le pays, d’autant qu’il était parvenu à amadouer les chefs de tribus les plus conservateurs.
« En Libye, les liens du sang priment. Il n’avait d’autre choix que de se ranger du côté de son père », explique un diplomate, en marge du procès. Beaucoup estiment cependant que l’insurrection libyenne a fait tomber son masque réformiste. « Même sa thèse sur « le rôle de la société civile dans la démocratisation des institutions de gouvernance », soutenue à la London School of Economics, s’est révélée un plagiat », précise Taha, un ancien cyberactiviste réfugié en Tunisie, qui rappelle que Seif el-Islam avait fait ses premiers pas de dauphin sous le parrainage de Moussa Koussa, le redoutable chef des services de renseignements.
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