Moi, Hassan Bouhadi, vrai patron de la Libyan Investment Authority

Alors que son pays est coupé en deux, le président de ce fonds souverain, nommé par le gouvernement de Tobrouk, veut asseoir sa légitimité face à son « double », proche des autorités de Tripoli.

Ce Libyen accuse quatre pays subsahariens d’avoir profité des troubles dans son pays pour nationaliser des actifs de la LIA. © Daniel Jones/Financial Times-REA

Ce Libyen accuse quatre pays subsahariens d’avoir profité des troubles dans son pays pour nationaliser des actifs de la LIA. © Daniel Jones/Financial Times-REA

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 13 août 2015 Lecture : 4 minutes.

Depuis octobre 2014, Hassan Bouhadi s’efforce d’occuper le devant de la scène en multipliant les apparitions et les déclarations dans les médias, notamment dans la presse britannique. Son objectif : s’imposer comme la figure de référence du fonds souverain Libyan Investment Authority (LIA), l’un des plus puissants en Afrique avec des actifs valorisés à 67 milliards de dollars (61 milliards d’euros).

Hassan Bouhadi accuse des pays d’Afrique subsaharienne d’avoir profité de la crise libyenne

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Cet ingénieur formé au University College de Londres, qui a travaillé au sein de multinationales comme General Electric ou Bechtel, vient de lancer une action en justice contre le Rwanda, la Zambie, le Tchad et le Niger. Il accuse ces quatre pays d’Afrique subsaharienne d’avoir profité des troubles politiques en Libye pour nationaliser des actifs appartenant à la LIA dans les nouvelles technologies. « Chaque jour, avec de fausses allégations, des personnes tentent de prendre possession des actifs du fonds. Des pays en ont même nationalisé certains », indique-t-il. Hassan Bouhadi, qui a grandi en Libye, se dit « déterminé » à « récupérer ce qui a été pris au peuple ».

Reste que les choses ne sont pas aussi simples. Quatre ans après la chute de Kadhafi, la Libye est divisée entre un gouvernement installé à Tobrouk, et reconnu par la communauté internationale, et un autre, basé à Tripoli, soutenu à la fois par les groupes islamistes et par les anti-kadhafistes de la première heure. Et chacun a nommé ses propres dirigeants à la tête des agences d’État, notamment des plus stratégiques d’entre elles, comme la National Oil Corporation et la LIA.

Lorsque les sanctions seront levées, ce président affirme vouloir faire du fonds un catalyseur de la libéralisation de l’économie libyenne.

La légitimité de ce patron contestée

La légitimité de Hassan Bouhadi, nommé par le gouvernement de Tobrouk à la présidence du fonds, est aujourd’hui contestée par Abdulmagid Breish, basé à Tripoli, qui soutient avoir été investi à ce poste en juin 2013 alors que le pays n’avait qu’un seul gouvernement.

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Certes, il avait été suspendu de ses fonctions un an plus tard, accusé d’avoir collaboré avec le régime de Kadhafi, ce qu’interdit une loi instaurée après la révolution. Mais il avait fait appel, gagné son procès et été rétabli en avril dernier par la cour d’appel libyenne. Sauf qu’entre-temps Hassan Bouhadi avait déjà pris sa place.

La confusion autour de la LIA et la détérioration de la situation politique en Libye ont porté un sérieux coup aux deux procès intentés depuis 2014 par le fonds souverain contre Goldman Sachs et la Société générale, deux groupes bancaires accusés de lui avoir vendu des produits financiers toxiques. Le comité du contentieux du fonds a été dissous et son cabinet d’avocats, Enyo Law, s’est dessaisi du dossier.

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Face à cette situation, un premier juge de la Haute Cour de justice de Londres a déclaré que le « chaos » régnait autour du litige avec ces deux banques. Un autre, le juge Justice Flaux, a même noté que cette situation convenait très bien aux défenseurs de Goldman Sachs et de la Société générale.

Les choses rentrent dans l’ordre

Mais, depuis juillet, les choses semblent commencer à rentrer dans l’ordre, et les dossiers de contentieux ont été remis sur les rails. Hassan Bouhadi et Abdulmagid Breish ont, via leurs avocats respectifs, conjointement demandé à la justice britannique de nommer BDO, le cabinet d’audit et de conseil, pour être le récepteur et le gestionnaire des dossiers litigieux du fonds souverain libyen.

À l’avenir, c’est ce cabinet international qui va gérer le litige, tandis qu’Enyo Law agira en tant qu’avocat. « Il s’agit d’actifs appartenant au peuple libyen et dont la sauvegarde nous a été confiée. Nous nous devons de remplir ce devoir », explique Hassan Bouhadi. Un avis partagé par son rival, Abdulmagid Breish, qui affirme que la nomination d’un séquestre était la « meilleure option ». « Nous avions atteint un point où les deux procédures de contentieux étaient dans une impasse, nous faisant prendre de grands risques », explique ce dernier.

Des risques inutiles puisque, quel que soit le patron de la LIA, celui-ci n’est pas en mesure de toucher directement aux actifs du fonds tant que le gel international instauré en 2011 est encore en vigueur. En 2012, les dirigeants du fonds avaient eu l’occasion de faire débloquer le gel des actifs mais avaient décidé de ne pas le faire jusqu’à ce que le pays retrouve sa stabilité politique.

Néanmoins, Hassan Bouhadi prévoit de demander aux Nations unies et à l’Union européenne l’autorisation de pouvoir gérer plus efficacement le flux de trésorerie provenant des dividendes et des obligations arrivées à échéance. Et lorsque les sanctions seront levées, ce président, qui espère pouvoir récupérer plus de 2 milliards de dollars dans le cadre de son contentieux avec Goldman Sachs et la Société générale et dans celui d’autres poursuites engagées, affirme vouloir faire du fonds un catalyseur de la libéralisation de l’économie libyenne en finançant ses start-up. Autre objectif, démystifier la LIA – une institution opaque, « un mystère » pour le Libyen lambda durant l’ère Khadafi.

Abdumagid Breish

Abdumagid Breish

Quels investissements ?

La dernière valorisation des actifs de la Libyan Investment Authority, créée en 2006 par Mouammar Kadhafi pour diversifier les revenus de ce pays pétrolier, date du début de 2013. Elle a été réalisée par le cabinet Deloitte et fait état d’un montant de 67 milliards de dollars (environ 50 milliards d’euros).

La première moitié de cette somme provient de participations dans 550 entreprises libyennes, souvent bien implantées dans le reste du continent (Oil Libya, les hôtels Laico, le fournisseur de téléphonie LAP GreenN…). L’autre moitié vient d’investissements à l’international, notamment de participations en Italie (Unicredit, ENI, Finmeccanica…), en France (Lafarge, Orange…) et en Allemagne (Siemens, Allianz…).

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