Aux États-Unis, un festival à l’humour « so muslim » fait sauter les préjugés sur l’islam

Fin juillet, un festival d’humoristes musulmans s’est tenu à New York. Le but : lutter contre les tabous et préjugés qui entourent l’islam au pays de l’Oncle Sam. Jeune Afrique était dans le public.

Publié le 10 août 2015 Lecture : 3 minutes.

La première vanne donne le ton : « Désolé, le show a pris du retard, mais plusieurs d’entre vous marchandaient le prix du ticket à l’entrée », lance Dean Obeidallah pour ouvrir les hostilités. Et l’humoriste américain – d’origines palestinienne et italienne – de déclencher l’hilarité dans une salle pleine à craquer. Bienvenue au Muslim Funny Fest, le premier festival d’humoristes musulmans d’Amérique du Nord, qui s’est tenu du 21 au 23 juillet à Manhattan. Trois soirées dont le but était de décrisper les représentations autour de l’islam. Et il y a du travail ! Selon un sondage de 2014, seuls 27 % des Américains ont une opinion favorable de leurs compatriotes musulmans, contre 36 % en 2010.

Ce 23 juillet, le public a ri de bon cœur aux sketches des meilleurs humoristes musulmans américains. Parmi eux, Gibran Saleem, d’origine pakistanaise, s’est taillé un franc succès avec sa blague sur les deux noms des musulmans aux États-Unis : celui que leur ont donné leurs parents, bien sûr, mais aussi celui que croit entendre le personnel de Starbucks quand il doit l’écrire sur les gobelets de café. « C’est tellement vrai », souffle Raja, une New-Yorkaise d’origine yéménite qui, pour commander son latte préféré au comptoir de la célèbre enseigne, dit s’appeler Rosa. « Plus simple », tranche-telle en sirotant un verre de vin, alors que le reste du public semble plutôt tourner aux jus de fruit.

Le lien qui nous unit, nous Américains musulmans, c’est malheureusement la haine et les préjugés avec lesquels nous devons vivre »

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Autre humoriste : Maysoon Zayid. Native du New Jersey et d’origine palestinienne, elle est atteinte d’une infirmité motrice cérébrale, ce qui ne l’empêche pas de mener une carrière très prometteuse tout en dynamitant préjugés et tabous. Alors qu’adolescente elle s’était vu interdire par son père de faire du vélo – « il avait peur que je perde ma virginité » -, elle affirme être récemment allée jusqu’à Gaza pour se chercher un époux… ou plutôt un « cousband », contraction des mots « cousin » et « husband » (« mari »). Maysoon Zayid est décidée à faire évoluer les mentalités. C’est elle qui, avec Dean Obeidallah, a fondé le Muslim Funny Fest. « Le lien qui nous unit, nous Américains musulmans, c’est malheureusement la haine et les préjugés avec lesquels nous devons vivre », a-t-elle déclaré au Huffington Post.

La « tournée de l’axe du mal »

Dès 2005, avec d’autres comédiens d’origine arabe, Zayid et Obeidallah ont sillonné les États-Unis dans le cadre d’une tournée baptisée « Axis of Evil Comedy Tour » (« tournée de l’axe du mal »), en référence à la fameuse expression de l’ancien président George W. Bush pour désigner l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord. Obeidallah, qui collabore au Daily Beast et anime une émission de radio, a aussi réalisé un documentaire, The Muslims Are Coming! (« les musulmans arrivent ! »). L’une des scènes, tournée dans la rue, le montre en compagnie de l’humoriste californienne d’origine iranienne Negin Farsad, tenant une pancarte avec ces mots : « Hug a muslim » (« donnez l’accolade à un musulman »).

L’appel n’a, semble-t-il, pas été entendu, puisque les affiches du documentaire ont été censurées par l’autorité des transports de New York en 2014. Motif : leur caractère trop ouvertement politique. Dans l’une d’entre elles, ce message ô combien provocateur : « L’horrible vérité est que les musulmans ont des super recettes de cuisine. » Et Obeidallah de remarquer que d’autres affiches, financées par des lobbies pro-israéliens et à la tonalité parfois ouvertement anti-islam, sont apparues dans le métro new-yorkais sans que personne – ou presque – n’y trouve rien à redire.

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Le Muslim Funny Fest est en tout cas une réussite. Ayant affiché complet les trois soirs, il a été très bien accueilli par la presse new-yorkaise. Le maire de New York, Bill de Blasio, ne s’y est pas trompé, qui a transmis aux organisateurs un message de soutien, lu avec fierté par Obeidallah au début du festival. Rendez-vous dans un an pour une deuxième édition ?

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