Congo-Brazzaville : avec « Petit Piment », Alain Mabanckou revient au pays natal
Le dernier roman de l’écrivain congolais Alain Mabanckou est l’une des très bonnes surprises d’une rentrée littéraire riche en œuvres africaines.
L’Afrique au cœur de la rentrée littéraire
Branle-bas de combat chez les éditeurs et les libraires de France. La rentrée littéraire approche. Et les auteurs du continent sont au rendez-vous. À découvrir en avant-première dans J.A.
En refermant Petit Piment, on doit bien se l’avouer, il nous avait manqué, ce Mabanckou-là, le romancier à l’écriture truculente et à l’imagination cocasse. Celui qui jongle avec le français et le teinte d’expressions imagées, celui qui donne à lire une oralité vivifiante et nous amuse en entraînant ses personnages dans des situations rocambolesques et absurdes.
Après le très biographique Demain, j’aurai vingt ans et l’intimiste, sinon nostalgique, Lumières de Pointe-Noire, écrit sur les lieux de son enfance après vingt-trois années d’absence, notre collaborateur renoue avec la verve des romans qui l’ont fait connaître au grand public à l’instar de Verre cassé ou de Mémoires de porc-épic, prix Renaudot 2006 écoulé à 90 000 exemplaires aux éditions du Seuil et traduit dans une vingtaine de langues.
Petit Piment, l’histoire d’un gavroche congolais
Petit Piment, c’est l’histoire de Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko (« Rendons grâce à Dieu, le Moïse noir est né sur la terre des ancêtres », en lingala), un gavroche congolais, orphelin de Pointe-Noire placé à sa naissance dans une institution religieuse avant que le socialisme ne la transforme en machine à produire de bons petits sujets au service du nouveau régime.
Je vivais ma liberté de chien errant dans une ville qui semblait tout broyer, raconte Petit Piment
Surnommé « Petit Piment » après avoir vengé son ami Bonaventure, doux rêveur qui attend l’avion qui l’emmènera loin de l’orphelinat, en pimentant fortement la nourriture des terribles jumeaux sorciers Songi-Songi et Tala-Tala, Moïse prend la poudre d’escampette en compagnie de ces derniers. Il doit alors apprendre à survivre parmi les gamins des rues. « Je vivais ma liberté de chien errant dans une ville qui semblait tout broyer », raconte Petit Piment.
Le salut viendra de Maman Fiat 500, maquerelle généreuse, et de ses « bordèles », qui le protégeront… jusqu’à l’opération « Pointe-Noire sans putes zaïroises » voulue par les autorités. La vie de Petit Piment, vagabond que l’on avait découvert dans Demain, j’aurai vingt ans, bascule alors. Son esprit s’égare. Mais est-il si fou qu’il y paraît ?
La clé de cet ouvrage, qui se clôt sur une note empreinte d’une saudade inattendue, se trouve sans doute dans la dédicace. À travers ce roman, Alain Mabanckou rend « hommage à ces errants de la Côte sauvage qui, pendant [s]on séjour à Pointe-Noire, [lui] racontèrent quelques tranches de leur vie, et surtout à “Petit Piment” qui tenait à être un personnage de fiction parce qu’il en avait assez d’en être un dans la vie réelle ».
Au final, tout se passe comme si le « retour au pays natal » de l’écrivain franco-congolais avait donné à sa littérature un second souffle, comme si à force d’éloignement son écriture s’asséchait peu à peu en Occident et que son séjour ponténégrin avait fini par la nourrir d’une énergie nouvelle.
Petit Piment, d’Alain Mabanckou, éd. du Seuil, 288 pages, 18,50 euros, à paraître le 20 août.
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