Maroc : le nouveau visage de la Banque populaire

Le deuxième groupe bancaire du Maroc devient l’un des premiers mutualistes du continent grâce à un jeu de participations croisées. Les enjeux d’une opération à 1 milliard d’euros.

Siège administratif de la Banque Populaire à Casablanca. © Guillaume Mollé pour J.A.

Siège administratif de la Banque Populaire à Casablanca. © Guillaume Mollé pour J.A.

Publié le 14 août 2015 Lecture : 4 minutes.

C’est un changement majeur que vient de connaître le groupe Banque populaire, deuxième établissement bancaire du Maroc.

La Banque centrale populaire (BCP), jusqu’ici simple organe central des dix Banques populaires régionales (BPR), est désormais un groupe mutualiste à part entière. Les BPR, qui détiennent 52 % du capital de la BCP, passent sous la coupe de cette dernière, qui devra elle-même monter dans quelques jours à 52 % du capital de chacune des dix institutions.

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Un jeu de participations croisées qui coûtera à la BCP 11,4 milliards de dirhams (près de 1 milliard d’euros), l’équivalent des augmentations de capital qui seront consenties dans les semaines à venir pour concrétiser l’opération.

Une fois bouclée, celle-ci fera de la BCP l’un des premiers groupes mutualistes d’Afrique, s’inspirant en cela du modèle coopératif de son confrère français et actionnaire minoritaire BPCE (Banque populaire et Caisse d’épargne).

« On ne sait pas encore comment la BCP va financer cette opération. Mais une chose est sûre : cet argent restera dans le groupe et participera à la recapitalisation des dix BPR, ce qui leur donnera les moyens de gagner des parts de marché, notamment sur les crédits », explique un analyste financier.

Autonome

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Cette opération n’a pas été une surprise pour le marché. Prévue dans la loi portant réforme du Crédit populaire du Maroc, adoptée au Parlement en avril et entrée en vigueur fin juillet, la prise de contrôle des BPR par la BCP fait partie du plan de réforme global du groupe, amorcé par les autorités financières du royaume en 2010.

« Cette réforme entend faire de la BCP un groupe coopératif à l’image des grands groupes mutualistes bancaires dans le monde. Elle vise aussi à rendre autonomes les organes de gouvernance de la BCP dans les décisions stratégiques et opérationnelles », explique une source au sein du ministère de l’Économie et des Finances.

La nouvelle BCP est une banque commerciale privée, à caractère régional, dotée de filiales dans toutes les lignes de métiers de la finance.

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La BCP sera l’une des stars de la cote cette année

Une réforme qui s’est d’abord traduite, à partir de 2010, par la montée progressive des BPR dans le capital de la BCP (jusqu’à 52 %), le désengagement total de l’État du capital du groupe et la fusion entre la BCP et la BPR de Casablanca, l’une des plus grandes du pays. Cette opération avait déjà donné une nouvelle dimension à la BCP, comme le prouvait le cours de la valeur, qui avait alors bondi de plus de 70 % – l’une des plus belles performances du marché casablancais en cette année de disette.

Cette performance sera sans doute rééditée cette année, voire dépassée, selon plusieurs analystes du marché. « Nous savons déjà que l’impact sur le résultat net part du groupe sera très significatif. La BCP sera l’une des stars de la cote cette année », lance un gérant de portefeuille.

Cette prise de contrôle devrait en effet booster les bénéfices du groupe et induire une prise de valeur mécanique de l’organe central coté. Avec de simples participations minoritaires, la BCP avait en 2014 intégré dans son résultat net pas moins de 676 millions de dirhams provenant des BPR, soit 21 % de ses bénéfices de l’année. Une part qui devrait en toute logique augmenter sensiblement au cours de cet exercice 2015…

Une question reste toutefois à poser : quid des sociétaires, actionnaires majoritaires des BPR ? Cette opération, qui consacrera le contrôle de la BCP sur ces entités régionales, vise-t-elle à réduire leur influence sur les prises de décision ? « Pas du tout, répond un cadre de la BCP. Nous comptons aujourd’hui plus de 429 000 sociétaires représentés dans les conseils de surveillance des différentes BPR. Certes, leur part sera réduite dans ces dernières, mais ce sont ces mêmes sociétaires qui contrôlent la BCP. C’est donc un jeu à somme nulle. »

La nouvelle BCP 

Cette prise de participation permettra aussi à la BCP d’avoir une longueur d’avance sur ses principaux concurrents (Attijariwafa Bank et BMCE Bank) dans le vaste chantier de la régionalisation des activités. Une régionalisation presque forcée, avec l’adoption en 2011 d’une nouvelle Constitution, qui donne à la région un rôle central dans le développement économique et le pilotage des politiques publiques.

« Attijariwafa et BMCE commencent à peine à adapter leurs structures à la nouvelle donne. Avec cette opération, la BCP les a distancées, surtout quand on connaît la taille de certaines BPR et leur mode de gestion totalement autonome », estime un analyste du marché casablancais. C’est le cas par exemple de la BPR de Rabat-Kénitra, qui affiche un produit net bancaire de 1,1 milliard de dirhams et un bénéfice net de plus de 219 millions de dirhams. Ou de celle de Laayoune, qui détient à elle seule plus de 70 % de parts de marché (aussi bien dans les dépôts que dans les crédits) dans cette région du Sahara au grand potentiel économique.

Exit donc la BCP simple banque d’investissement des BPR : la nouvelle BCP est une banque commerciale privée, à caractère régional, dotée de filiales dans toutes les lignes de métiers de la finance (du crédit à la consommation au leasing, en passant par le microcrédit et les métiers de la haute finance), avec une présence de plus en plus forte à l’international, notamment en Afrique, dans sept pays du sud du Sahara, via le groupe Atlantic Business International.

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