Goodwell Nzou, le Zimbabwéen qui a remis le lion Cecil à sa place

La mort du lion fétiche de la réserve de Hwange a suscité un tollé mondial. Pourtant, en Afrique, ces félins tuent des villageois. Mais qui s’en émeut ? Un étudiant zimbabwéen pousse un coup de gueule.

Cecil était l’icône du parc national Hwange. © AFP

Cecil était l’icône du parc national Hwange. © AFP

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Publié le 10 août 2015 Lecture : 2 minutes.

Il s’appelle Goodwell Nzou, il est zimbabwéen et étudie la biologie moléculaire à l’université Wake Forest (États-Unis). Alors qu’il est penché sur son microscope, des messages affluent sur son téléphone. Ses correspondants déplorent la mort d’un certain Cecil. « Vivait-il près de chez toi ? » s’inquiètent-ils.

Cecil ? Inconnu au bataillon ! Goodwell s’informe. Stupeur : l’objet de cette affliction qui devient mondiale est… un lion. Animal fétiche de la réserve de Hwange, au Zimbabwe, il a été abattu puis décapité par Walter Palmer, un dentiste du Minnesota qui, lorsqu’il ne manie pas la roulette et la fraise, part, son arc à la main, jouer les tartarins en Afrique. Depuis, plus d’un million de pétitionnaires le vouent aux gémonies.

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Au Zimbabwe, on ne pleure pas les lions

À la fois agacé et amusé par ce décalage culturel, Goodwell publie une tribune dans l’International New York Times. Son titre : « Au Zimbabwe, on ne pleure pas la mort des lions ». Ces Américains qui, ironise-til, sont incapables de situer son pays sur la carte comprennent-ils que ces félins tuent des gens ? « Dans mon village, aucun d’entre eux n’a jamais été aimé ni ne s’est vu attribuer un surnom affectueux », écrit-il, relatant comment, lorsqu’il avait 9 ans, un lion y avait semé la terreur.

« Après qu’il eut tué quelques volailles et chèvres, puis une vache, on nous dit d’aller à l’école en rangs serrés et de ne plus jouer dehors », « ma sœur n’allait plus seule à la rivière chercher de l’eau », « ma mère n’allait plus chercher du bois qu’accompagnée de mon père et de mon frère, armés de machettes et de haches »… Jusqu’à la délivrance. « Quand ce lion a été tué, nul ne s’est soucié de savoir si c’était un chasseur local ou un Blanc amateur de trophées qui l’avait abattu, et si c’était légal ou pas. On a chanté et dansé pour fêter sa disparition. » Entre-temps, son oncle avait été blessé à la jambe. Et, plus tard, un autre lion dévora un adolescent dans un champ alentour.

Les Américains qui se félicitent que Harare ait réclamé l’extradition de Palmer ignorent-ils qu’un éléphanteau a été massacré lors des festivités d’anniversaire du président Mugabe ? Oublient-ils la gloriole qu’ils tirent de leurs safaris, et leurs propres méfaits contre l’environnement ? S’apitoient-ils autant sur le sort des Africains victimes de la faim ou des violences politiques ? s’interroge Goodwell Nzou. Un rugissement salutaire…

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