Congo-Brazzaville : le département de la Sangha sort du bois

L’arrivée des investisseurs et les chantiers en cours ont transformé le département du Nord. Et c’est à Ouesso, son chef-lieu, que se déroulent les cérémonies de la fête nationale du 15 août.

Publié le 14 août 2015 Lecture : 5 minutes.

Denis Sassou-Nguesso © Vincent Fournier pour J.A.
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Certains l’on surnommée le « triangle d’or du Congo », en référence à sa position géographique aux confins de trois pays (voir carte ci-dessous). Et si les regards se concentrent aujourd’hui sur la très septentrionale Sangha, ce n’est pas seulement parce qu’on y célébrera la fête nationale congolaise le 15 août prochain. Ce n’est pas non plus parce qu’y a été lancé cette année le programme de « municipalisation accélérée », avec à la clé la construction d’un lot appréciable d’infrastructures nécessaires à sa modernisation : routes, ponts, bâtiments publics, etc.

L’attrait qu’exerce aujourd’hui le département vient aussi des mutations qui s’y sont opérées ces dernières années et qui devraient rapidement changer son profil économique et social.

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Une région apprivoisée petit à petit

Pendant plusieurs décennies, on ne savait pas grand-chose de la Sangha, si ce n’est qu’elle était en grande partie recouverte d’une dense forêt primaire, sillonnée de cours d’eau (dont la rivière éponyme) et relativement plate, à l’exception de sa partie ouest, avec le mont Nabemba (1 100 m), le plus haut du pays. À part les forestiers, le département attirait peu d’investisseurs, principalement à cause de son enclavement.

Jusqu’à récemment, il fallait près de deux jours par la route pour parcourir les quelque 800 km séparant son chef-lieu, Ouesso (« le soleil », en sangha-sangha), de Brazzaville. Traverser la Sangha d’est en ouest était aussi une autre galère… L’économie locale s’est donc tournée vers l’exploitation forestière et la transformation du bois, l’agriculture vivrière (manioc, banane plantain, maïs, arachide), faute de route, nourrissant à peine la population locale. Le département dépendait largement du Cameroun voisin, tant pour son approvisionnement en denrées, matériel et objets de toutes sortes que pour l’évacuation de ses productions.

Mais le bitumage de la route nationale 2 (RN2) du sud au nord du territoire, jusqu’à Ouesso, a changé la donne. « En partant de Brazzaville le matin à 6 heures, on peut être à Ouesso à 22 heures au plus tard ! » affirme un chauffeur de la compagnie de bus Océan du Nord, qui assure une liaison quotidienne entre les deux villes. Rien de tel pour dynamiser les échanges entre la Sangha et le reste du pays.

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La construction de la RN14 est-ouest entre Ketta (sur la RN2), Sembé et Souanké a quant à elle donné un coup de fouet au secteur agricole. « Tout le long de la chaussée, les étals de régimes de bananes plantains ont remplacé les tas de bois que l’on vendait pour faire la cuisine », explique un cadre de la préfecture.

Un carrefour de routes et de voies d'eau. © DR

Un carrefour de routes et de voies d'eau. © DR

Essor des infrastructures de transport

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Si l’essor des infrastructures de transport a entraîné celui de l’économie départementale, d’autres facteurs y contribuent désormais. Autrefois productions phares du département, le palmier à huile et le cacao sont relancés à grande échelle, tandis que la filière bois mise de plus en plus sur la troisième transformation. Longtemps délaissées en dépit d’un potentiel réel, les opérations de recherche minière se multiplient. « Nous disposons d’importants gisements de fer dans l’ouest du département », précise Adolphe Elemba, le préfet de la Sangha.

Le problème de l’évacuation des minerais et la baisse des cours mondiaux du fer ont différé le démarrage de la production sur les sites, développés pour la plupart par des Australiens. Mais d’autres miniers, principalement chinois, prospectent aujourd’hui de nouvelles filières (or, diamant, polymétaux…).

La Sangha diversifie ainsi les bases de son économie, qui s’étend aussi désormais aux transports routier et aérien (le fluvial suit plus timidement), dopés par les nouvelles activités et les chantiers d’infrastructures. « Le grand défi est de recentrer le trafic sur le Congo, souligne André Obambe, le directeur départemental des douanes. Il s’agit d’amener les entreprises à utiliser les voies congolaises et le port de Pointe-Noire pour leurs importations et exportations » plutôt que de passer par le Cameroun ou le Gabon.

Un recentrage qui n’exclut pas le renforcement des échanges avec les pays voisins. Les connexions routières avec le Cameroun et la Centrafrique, en cours, permettront à la Sangha de conforter sa vocation de carrefour et de tirer pleinement profit de sa situation géographique pour son développement et celui de l’intégration régionale.

La Sangha va devenir un grand pôle économique et attirer de plus en plus d’investisseurs et de travailleurs »

Frémissement économique

Signes du frémissement économique, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC-Distribution) ouvre une nouvelle station-service à Ouesso et trois banques s’y installent (la Banque congolaise de l’habitat, Ecobank et la Banque commerciale internationale), rejoignant ainsi la Congolaise de banque, le Crédit du Congo et les Mutuelles congolaises d’épargne et de crédit (Mucodec), également implantées à Pokola et à Ngombe.

Rénovation et construction d’hôtels, d’immeubles de bureaux, de villas, ouverture de boutiques, de bars et de restaurants… Ouesso (30 000 habitants) est toujours surnommé « la capitale du bois » mais change rapidement. La filière hôtelière s’y développe tout particulièrement, surtout pour la clientèle d’affaires. Le créneau de l’écotourisme reste limité mais pourrait décoller étant donné que la Sangha abrite trois parcs nationaux (Nouabalé-Ndoki, Odzala-Kokoua et le mont Nabemba).

Les autres filières du secteur des services sont également en plein boom, notamment pour répondre à la demande des entreprises (comptabilité, informatique, numérique, gestion de main-d’œuvre, gardiennage, transport de fond, télésurveillance, publicité, etc.).

La Sangha, « futur grand pôle économique »

« La Sangha va devenir un grand pôle économique et attirer de plus en plus d’investisseurs et de travailleurs », confirme Jérémie Issamou, directeur général adjoint d’Atama Plantation. Reste à trouver le personnel qualifié pour faire prospérer ces activités. C’est où le bât blesse. La Sangha n’est peuplée que de 120 000 habitants, dont plus de la moitié ont moins de 20 ans mais sont peu préparés aux nouveaux enjeux. Des efforts sont faits pour augmenter le nombre d’établissements scolaires et adapter les cursus aux besoins actuels et futurs de l’économie départementale.

Mais en attendant l’émergence d’une nouvelle génération bien formée, il faudra faire appel à d’autres compétences congolaises pour compléter les savoir-faire des populations locales, composées d’ethnies très diverses : Sangha-Sangha, Bakwélé, Bonguili, Djem, Yasoua, Bakota, Porno, Gbaya et peuples autochtones pygmées du groupe Baka. Les cadres et travailleurs étrangers devraient aussi être de plus en plus nombreux, qui comptent déjà dans leurs rangs des Camerounais, des Centrafricains, des Rwandais, des Ouest-Africains (lire pp. 95-100), des Libanais, des Chinois, des Brésiliens, des Français… Un vrai melting-pot.

BIODIVERSITÉ PARTAGÉE

Inscrit depuis 2012 au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, le Trinational de la Sangha (TNS) est un complexe transfrontalier situé au point de rencontre entre le Congo, le Cameroun et la Centrafrique. « Valeur universelle exceptionnelle », le TNS, consacré à la conservation de la nature, couvre une superficie de 750 000 ha et comprend trois parcs nationaux contigus, enchâssés dans l’immense forêt primaire du nord-ouest du bassin du Congo : celui de Nouabalé-Ndoki, au Congo, celui de Lobéké, au Cameroun, et celui de Dzanga-Ndoki, en Centrafrique.

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