Qui acceptera de financer l’État camerounais ?

Yaoundé s’apprête une nouvelle fois à émettre un emprunt obligataire. Mais refroidies par les amendes retentissantes qui ont déjà suivi ce type d’opération, les banques se méfient des titres publics.

La Société commerciale de banque du Cameroun (SCB) doit restituer 150 millions de F CFA à l’État. © Nabil Zorkot pour J.A.

La Société commerciale de banque du Cameroun (SCB) doit restituer 150 millions de F CFA à l’État. © Nabil Zorkot pour J.A.

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Publié le 26 août 2015 Lecture : 4 minutes.

D’un malaise latent, on est passé ces derniers temps à une crise ouverte entre la Commission des marchés financiers (CMF) et les sociétés de Bourse. Le détonateur ? L’amende de 150 millions de F CFA (près de 229 000 euros) que le régulateur camerounais a infligée le 10 juillet à la Société commerciale de banque du Cameroun (SCB), arrangeur de l’emprunt obligataire de 50 milliards de F CFA lancé par l’État en décembre 2013.

Jugée coupable de trente manquements, la filiale d’Attijariwafa Bank a été sommée de restituer par ailleurs quelque 473 millions de F CFA de commissions indûment perçues à l’émetteur. Une sanction que conteste la SCB, qui a introduit les recours appropriés.

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Sanctions pour les banques

En juillet 2013 déjà, la CMF avait sanctionné sept banques, dont la SCB, pour diverses fautes observées durant le premier emprunt obligataire émis par le pays en 2010. Des sanctions qui ont alors davantage « un caractère pédagogique que répressif » dans l’esprit de son président, Théodore Ejangue (lire ci-dessous). Mais, piqués au vif lorsque ces mesures s’étalent dans la presse, les contrevenants ne tardent pas à répliquer. Certaines banques menacent ouvertement de ne plus participer aux futures opérations de l’État.

Craignant qu’elles ne mettent leur menace à exécution, ce qui aurait provoqué l’échec du deuxième emprunt obligataire camerounais de 50 milliards de F CFA, le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, sollicite un geste d’apaisement de la part de Théodore Ejangue. Ce dernier réunit alors les acteurs du marché. « Ce fut électrique ! » avoue un participant. Estimant que la Société générale « n’a pas besoin du Cameroun pour vivre », son représentant affirme qu’« elle n’interviendra plus sur le marché pour ne pas faire courir un risque inconsidéré à sa réputation ». Et Afriland First Bank, frustrée, décide « de limiter drastiquement son intervention sur le marché obligataire à l’activité de placement uniquement ». La concertation s’achève en queue de poisson.

Pagaille dans le milieu financier

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Depuis la nouvelle amende infligée à la SCB, c’est la pagaille dans le microcosme financier camerounais. « Cette sanction laissera des traces dont on peine pour le moment à mesurer les conséquences », commente un analyste financier.

La présidence du Cameroun a discrètement saisi l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Apeccam), le regroupement des banques qui constituent l’essentiel des Prestataires de services d’investissement (PSI), pour entreprendre une médiation entre ces derniers et le régulateur boursier. Mais le mal semble déjà fait. Coarrangeur de la première opération dans laquelle elle fut également épinglée, Citibank s’est pratiquement retirée du marché, son département marché financier étant devenu une coquille vide. Et la Société générale n’a pas déboursé un kopeck durant la souscription du dernier emprunt, en décembre.

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Au-delà des sanctions, c’est la propension de la CMF à en faire une large publicité qui hérisse les banques. Le processus de séparation entre les activités bancaires et celles de marché n’étant toujours pas achevé, les établissements de crédit craignent que les clients fassent l’amalgame. « Une entente sur les amendes aurait pu être trouvée sans que cela fasse de vagues car nous sommes disposés à payer », observe le responsable d’un PSI ayant requis l’anonymat, poussé par la terreur qu’inspire Théodore Ejangue. « Sur un marché aussi embryonnaire, son attitude toute martiale et cassante n’est pas de nature à encourager le développement du marché », tranche notre analyste.

Gêne au ministère

Face à des acteurs de marché aussi puissants, l’autorité du régulateur est en jeu, estiment les avocats de Théodore Ejangue, qui n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. Plusieurs banquiers n’ont pas hésité à saisir Alamine Ousmane Mey dans l’espoir de le voir remettre en cause des décisions de la CMF. « Pour n’avoir pas clairement affirmé qu’aucun pouvoir n’est au-dessus de celui du régulateur au moment de son entrée en activité, en 2003, le gouvernement a en quelque sorte créé la pagaille actuelle », analyse l’un des membres du collège.

Au ministère des Finances, la gêne est perceptible, d’autant que pour financer une partie du déficit budgétaire de l’année en cours, l’État doit en principe lancer un emprunt obligataire de 150 milliards de F CFA dans les prochaines semaines. Avec la dernière sanction du gendarme boursier, le risque d’une défiance générale à l’égard des titres publics du Cameroun pourrait naître. Afin de conjurer une éventuelle crispation des PSI, Alamine Ousmane Mey va devoir ramener l’accalmie sur la place de Douala.

L’indéboulonnable Théodore Ejangue

Théodore Ejangue, en août 2013. © Nicolas Eyidi pour JA

Théodore Ejangue, en août 2013. © Nicolas Eyidi pour JA

Bien que son mandat et celui du collège de la Commission des marchés financiers aient expiré en mai 2012, Théodore Ejangue en est toujours le patron. On accuse d’ailleurs cet aristocrate bon teint formé à la finance et à l’économie à la Wharton School (Université de Pennsylvanie, aux États-Unis), également chef traditionnel, d’avoir pris le dessus sur les autres membres du régulateur camerounais.

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