La styliste d’origine marocaine Nadia Zein allie la pudeur et le style

Cette styliste d’origine marocaine installée en Espagne crée des tenues de soirée pour les femmes musulmanes.

Publié le 24 août 2015 Lecture : 4 minutes.

Palais de Malferit, en plein centre de Valence. Le jour tombe. Accompagnés par une musique arabe, des mannequins défilent sur le podium installé dans le patio de los Arcos (« la cour des arcades »). Robes longues, à traîne ou à paillettes, jupes amples brodées, tailleurs-pantalons aux couleurs chatoyantes, vêtements inspirés des cafetans, voile de rigueur pour tous les modèles…

Présentées le 17 mai lors de la première édition de la Passerelle des arts de Valence, les créations de Nadia Zein – des tenues de soirée confectionnées en gaze ou en soie – ont plongé l’assistance dans une atmosphère des Mille et Une Nuits.

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Dans une fête, il faut éblouir

Cette styliste espagnole de 25 ans d’origine marocaine mêle codes vestimentaires musulmans et esthétisme, pudeur et style. La plupart de ses clientes sont des amies, des filles d’immigrés musulmans, installés en Espagne, réticentes à l’idée de porter l’abaya traditionnelle à l’occasion de célébrations spéciales telles que des mariages d’amies non musulmanes.

Elles préfèrent les robes modernes, colorées, plus fantaisistes tout en gardant un style « correct ». « J’essaie de concilier leurs besoins en créant des vêtements exubérants, mais qui n’ont aucun décolleté et intègrent un voile ou un turban ainsi que des manches longues », décrit Nadia, qui, elle, ne ressent pas le besoin de se couvrir la tête mais confirme qu’elle pratique sa religion et respecte le ramadan.

« Je voulais en finir avec les stéréotypes sur la façon de s’habiller des femmes musulmanes. » Dans la presse, son style a été jugé « osé » pour une croyante parce que ses vêtements laissent deviner les formes, mais Nadia n’en a cure. Dans une fête, il faut éblouir.

Il est très difficile, voire impossible, de trouver en Espagne des vêtements respectant la religion et qui soient en même temps esthétiques

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Une famille marocaine émigrée en Espagne

Élevée dans une famille très croyante de Beni Mellal, au nord-est de Marrakech, la jeune styliste vit depuis l’âge de 10 ans à Valence, en Espagne. Son père y a émigré en 1995 pour y trouver du travail. Le reste de la famille a suivi cinq ans plus tard.

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Aujourd’hui, ses parents travaillent ensemble dans une pépinière. « J’ai toujours aimé la couture », assure Nadia, qui, enfant, voyait sa grand-mère et sa mère coudre à la maison. Cette dernière confectionne toujours ses propres vêtements, en achetant ses tissus lors des vacances d’été au Maroc. « La mode islamique ? J’y pensais depuis des années en voyant ma mère ressortir les mains vides des boutiques, explique Nadia Zein.

Il est très difficile, voire impossible, de trouver en Espagne des vêtements respectant la religion et qui soient en même temps esthétiques. Personne ne répond à ce besoin, ni les grandes multinationales ni les magasins traditionnels. Je me suis tout simplement demandé pourquoi ne pas ouvrir un tel marché ! » La jeune femme aux cheveux noirs de jais a monté sa propre marque de vêtements, il y a un an, et compte déjà deux collections.

Après un baccalauréat professionnel de confection et mode, elle suit une formation de trois ans en stylisme et modélisme à Valence. Une fois diplômée – son projet de fin d’études portait sur l’habillement de la femme arabe -, elle travaille comme stagiaire et développe sa créativité auprès des designers valenciens Jaime Piquer et Amparo Chordá. Si elle confesse son admiration pour le couturier libanais Elie Saab, elle ne souhaite pas travailler dans une grande maison et préfère poursuivre son aventure.

Entreprenante et déterminée, Nadia fait tout elle-même

Énergique, elle fait tout elle-même : choix des tissus (la plupart marocains, turcs ou indiens), qu’elle acquiert au Maroc ou en Espagne, croquis, patrons, couture… Tous les après-midi, elle vend ses vêtements dans la boutique multimarques Diseños de Autor, à Valence, rencontre ses clientes, prend les mesures et les commandes.

Le soir, chez elle, elle note ses idées pour de nouvelles créations. « J’avoue que ce travail est prenant et difficile, il faut vraiment aimer ce qu’on fait et les bénéfices sont aléatoires, avance la styliste, dont le prix des robes oscille entre 300 et 600 euros, voire plus selon les commandes. Je travaille tous les week-ends et tout l’été chez un glacier pour m’aider à vivre. »

Durant ses études de mode, ses amies admiraient son travail et lui prédisaient le succès. Aujourd’hui, ses clientes apprécient sa capacité à mêler les deux cultures qui l’ont forgée.

Une étoile montante ?

Nadia Zein a présenté sa première collection à la Casa Árabe de Madrid le 27 mars. Elle affirme que ce premier défilé lui a ouvert beaucoup de portes. Un magazine saoudien a publié sa deuxième collection et la possibilité d’un défilé au Maroc se dessine. Un investisseur lui a même proposé un contrat à longue durée pour participer à des fashion weeks à l’étranger. Si l’offre est alléchante, la jeune designer veut pour l’instant se concentrer sur l’essor de sa marque en ne dépendant que d’elle-même.

Un site web est en projet pour gérer les commandes dans le reste de l’Espagne. Cette assurance de réussite, Nadia la doit aussi à un autre profil de clientes qui commence à émerger, celui de non-musulmanes à la recherche de robes longues et sophistiquées. « J’ai par exemple créé une robe-tunique qui se porte avec un pantalon, mais ces clientes-là pourront l’oublier. Et le turban aussi, bien sûr ! » sourit-elle.

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