Décès de Doudou Ndiaye Rose : l’Afrique perd son pouls

Décédé à 85 ans, le maître-tambour sénégalais a hissé au plus haut l’art du sabar, sans crainte des métissages.

Doudou Rose Ndiaye. © SEYLLOU DIALLO/AFP

Doudou Rose Ndiaye. © SEYLLOU DIALLO/AFP

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Publié le 24 août 2015 Lecture : 3 minutes.

« Il avait reçu un don de Dieu et il l’a cultivé. » Pour la chorégraphe franco-sénégalaise Germaine Acogny, Doudou Ndiaye Rose n’était pas seulement un percussionniste virtuose, mais aussi un créateur touché par la grâce. « Dès qu’il prenait sa baguette, on avait la chair de poule », témoigne celle qui a commencé à collaborer avec le maître-tambour le plus célèbre du continent dès la fin des années 1970. À Mudra-Afrique, l’école de danse ouverte à Dakar sous le double parrainage de Maurice Béjart et de Léopold Sédar Senghor, elle avait recruté Doudou Ndiaye Rose comme percussionniste. « Il était très à l’écoute, il avait ce sens du partage avec les danseurs et le don de s’adapter à des influences musicales venues du monde entier. »


Doudou Ndiaye Rose, « Diabote ».

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Puisque la chorégraphe y forgeait une danse moderne africaine inédite, le percussionniste se devait d’innover aussi. « Ce qui le distinguait des batteurs traditionnels, c’est sa capacité à inventer sans relâche de nouveaux rythmes », ajoute Germaine Acogny. Figure du hip-hop « made in Sénégal », Didier Awadi retient quant à lui sa maîtrise exceptionnelle de son art : « Il parvenait à composer une véritable symphonie avec un orchestre de percussionnistes. Sa musique n’était pas seulement rythmique, elle en devenait mélodieuse. »

Sa musique n’était pas seulement rythmique, elle en devenait mélodieuse.

Dès l’âge de 9 ans, Doudou Ndiaye Rose embrassait les percussions comme on entre en religion. Malgré les réticences d’une famille qui le poussait à se consacrer à ses études, l’appel impérieux du sabar le faisait régulièrement dévier du chemin de l’école. « J’ai eu des problèmes avec mon oncle, qui m’a toujours bastonné car il ne voulait pas que j’apprenne la percussion », confiait celui qui est tout de même parvenu à suivre son étoile, avant d’adopter une approche éducative aux antipodes avec ses propres enfants. « Dès l’âge de 3 ou 4 ans, il les initiait à la percussion, même les filles », témoigne DJ Prince, le présentateur de la télévision nationale, qui a longuement discuté avec lui, la veille de son décès. Les deux hommes étaient venus présenter leurs condoléances à Mbaye Dieye Faye, percussionniste phare de Youssou Ndour, dont le père, Vieux Sing Faye, lui-même maître-tambour de Dakar et vieux complice de Doudou Ndiaye Rose, venait de rendre l’âme, vingt-quatre heures auparavant.

« Du Japon au Burundi, Doudou Ndiaye Rose se passionnait pour les différents types de percussions, dont il maîtrisait parfaitement l’histoire », témoigne Didier Awadi, auteur d’un film inachevé sur celui qui est devenu son ami. En 2010, le rappeur avait invité Doudou Ndiaye Rose à participer à son album Présidents d’Afrique. Le percussionniste avait répondu présent, métissant le phrasé hip-hop et les notes de piano du titre « Dans mon rêve » de ses sabars. « Ce qui nous a marqués, c’est son humilité, raconte Awadi. Il regardait le cœur des gens, pas leur nom. Il était aussi à l’aise avec un percussionniste débutant qu’avec un artiste renommé. »


Didier Awadi, « Dans mon rêve ».

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Des artistes célèbres, l’ancien maître-tambour des ballets nationaux en aura côtoyé beaucoup. De Joséphine Baker, qui lui avait prédit dès 1959 qu’il deviendrait « un grand batteur », aux Rolling Stones en passant par Miles Davis, Doudou Ndiaye Rose s’était fait l’ambassadeur du patrimoine culturel sénégalais. À la veille de sa mort, relate DJ Prince, l’octogénaire à l’éternelle jeunesse, qui s’apprêtait à rejoindre plusieurs universités américaines pour y transmettre sa ferveur, n’affichait qu’un regret : « Je suis devenu très connu, c’est vrai, mais ce sont les Occidentaux qui m’ont permis de faire voyager mon art. Ce n’est pas en Afrique que j’ai obtenu la reconnaissance. »

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