Une rencontre avec Roland Barthes
Universitaire, romancière et lauréate du prix Femina pour « Les Adieux à la reine » (Seuil, 2002), Chantal Thomas se souviendra à jamais de cette voix singulière de Roland Barthes qu’elle entendit pour la première fois le jour où elle lui téléphona pour assister à ses fameux séminaires au Collège de France.
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Alain Mabanckou
Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.
Publié le 2 septembre 2015 Lecture : 2 minutes.
Chantal Thomas présente avec modestie son dernier ouvrage, Pour Roland Barthes, comme un « exercice d’admiration ». Le livre va au-delà : le lecteur rencontre un des intellectuels français les plus importants, loin de ces études savantes et saturées qui l’ont, avec le temps, fait passer pour un auteur réservé à quelques initiés. Pour Roland Barthes nous rappelle les principales valeurs défendues par le sémiologue français, aussi bien dans ses ouvrages que dans ses séminaires : l’amour du langage, la différence plutôt que le conflit, le goût du présent et le désir.
Le désir est sans doute la panacée contre « les professeurs d’Ennui » et les « étudiants en mortifications ».
L’amour du langage nous invite à repenser notre manière de transmettre, de communiquer, loin des slogans qui caractérisent notre époque et rendent nos voix « incarnées » et artificielles. Dans le même temps, c’est en prêchant la différence plutôt que le conflit que nous échapperons à la violence au profit des altérités assumées. Notre intelligence doit de ce fait servir à deviner, voire à déjouer les pièges, et c’est à elle de déstabiliser l’adversaire. Le goût du présent nous met à l’abri d’une nostalgie du passé et nous ouvre aux innovations, à d’autres cultures. Enfin, le désir est sans doute la panacée contre « les professeurs d’Ennui » et les « étudiants en mortifications ».
Pour Roland Barthes regroupe des textes écrits par Chantal Thomas depuis le début des années 1980 jusqu’en 2014. On y voit Barthes en mouvement. On l’entend presque parler, électriser par son verbe étudiants et amoureux de la connaissance qui se pressaient au Collège de France, au point que le sémiologue, qui dirigea l’École des hautes études en sciences sociales, fut contraint de limiter le nombre de ses auditeurs. Par un effet de miroir, se dessine le portrait d’une Chantal Thomas encore étudiante et qui redoutait presque que ce statut prenne fin devant les réalités de l’existence : le travail, la famille, les enfants.
Sa fibre de romancière nous assure un véritable plaisir de lecture, porté par une plume alerte et élégante qui nous offre, à n’en pas douter, une des introductions les plus abordables à l’œuvre de Barthes, et par ricochet son portrait le plus attachant en cette année où nous célébrons le centième anniversaire de sa naissance.
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