Hydrocarbures : Après la marée noire, BP prend un nouveau départ

Le pétrolier britannique s’est serré la ceinture en prévision de l’amende liée à l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon. Pour se relancer, il veut conserver une présence importante en Afrique, notamment en Angola.

L’Angola représente 10% de la production du groupe BP (ici, unité de production flottante dans le block 31). © DR

L’Angola représente 10% de la production du groupe BP (ici, unité de production flottante dans le block 31). © DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 2 septembre 2015 Lecture : 5 minutes.

L’addition est salée pour BP : 18,7 milliards de dollars (16,8 milliards d’euros). Mais cinq ans après l’accident survenu sur la plateforme Deepwater Horizon le 20 avril 2010 et la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique, finalement colmatée le 19 septembre, cet accord d’indemnisation est un soulagement pour le groupe britannique. Conclu le 2 juillet dernier, il met fin une fois pour toutes aux incertitudes sur son montant.

Si la somme reste impressionnante, elle est, selon les analystes, supportable pour l’entreprise, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 353,568 milliards de dollars en 2014 et dispose d’un échéancier de dix-huit ans pour la régler, à raison d’un peu plus de 1 milliard de dollars par an. Et elle reste bien au-dessous des 34 milliards de dollars réclamés initialement par les collectivités locales et États américains riverains de cette marée noire, qui s’est produite au cours d’une exploration en eaux très profondes, avec des gisements situés à près de six kilomètres de la surface.

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En voie vers la renaissance

Dans les bureaux feutrés du siège, à St. James’s Square à Londres, l’état-major, piloté par l’Américain Bob Dudley depuis la catastrophe, prépare la renaissance de BP, soumis à une cure d’amaigrissement drastique pour faire face aux amendes. Depuis la marée noire, le groupe a vendu plus de la moitié de ses pipelines, 35 % de ses puits de forage et 12 % de ses réserves. Rien qu’aux États-Unis, où son image est encore écornée, il s’est délesté d’un tiers de ses actifs. Heureusement pour lui, ces opérations ont eu lieu lorsque les cours du brut étaient encore au-dessus de 100 dollars le baril, ce qui lui a permis de reconstituer sa trésorerie au moment optimal.

En Afrique, d’où il a extrait 12,1 % de son pétrole (222 000 barils) en 2014 et 9,18 % de son gaz (513 millions de pieds cubiques), l’entreprise a réduit la voilure pour faire face aux aléas politiques en Libye, en Égypte et, dans une moindre mesure, en Algérie. Dans ce dernier pays, elle était l’un des partenaires du projet d’In Amenas (avec le norvégien Statoil et la Sonatrach), un temps gelé pour des raisons de sécurité après l’attaque terroriste du site en 2013.

Mais BP, dirigé en Afrique du Nord par l’Égyptien Hesham Mekawi et en Afrique occidentale par l’Africain-Américain Darryl Willis (lire ci-dessous), veut conserver une empreinte importante sur le continent, qu’il juge complémentaire à son portefeuille nord-américain.

Si les États-Unis restent vitaux pour le groupe, celui-ci attend beaucoup de ses projets angolais

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BP privilégie l’Afrique, en particulier l’Angola

Pour revenir à son niveau d’antan, mais dans une conjoncture difficile, avec un baril à 50 dollars, le pétrolier se veut ultrasélectif. « Ce qui compte, ce sont les marges plus que les volumes. De ce fait, l’offshore profond, qui présente un modèle économique attractif, reste crucial pour nous, notamment dans le golfe du Mexique, où nous relançons de nouveaux projets, mais aussi en mer du Nord, en mer Caspienne et en Angola », explique Robert Wine, responsable de la communication chez BP.

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Si les États-Unis restent vitaux pour le groupe, en témoigne la création à Houston d’une nouvelle division consacrée au pétrole et au gaz de schiste américains, celui-ci attend beaucoup de ses projets angolais. « Cela fait plus de vingt ans que nous sommes présents dans le pays, qui représente actuellement 10 % de notre production de pétrole (180 000 barils par jour) ; il restera à l’avenir un territoire clé pour BP », affirme Robert Wine, qui rappelle a contrario que son groupe n’est plus au Nigeria depuis les nationalisations des années 1970. « On ne peut être partout », se justifie-t-il.

Autre pays africain majeur pour BP, l’Égypte, où il a racheté le portefeuille d’Amoco en 1998. Le britannique, associé dans des coentreprises avec les sociétés publiques, gère l’extraction de 40 % du pétrole du pays et de 30 % de son gaz. En partenariat avec les Égyptiens et BG (anciennement British Gaz), il a lancé en mars un mégaprojet gazier de 12 milliards de dollars, gelé jusqu’alors du fait de la situation politique.

Enfin, au Maroc, BP poursuit ses projets d’exploration en mer, au large d’Agadir, sur des blocks rachetés à la société Kosmos Energy en octobre 2013. « Nous espérons tomber sur des gisements semblables à ceux de Nouvelle-Écosse, au Canada, où nous sommes également présents », explique Robert Wine, qui précise toutefois qu’aucune découverte marquante n’a encore été faite dans la zone.

Un allié de choix : David Cameron

Reste que pour réussir son redémarrage, BP va devoir résister aux tentatives d’OPA de ses concurrents, attirés par son capital déprécié en Bourse, donc plus accessible. Dans cette tâche, le groupe s’est trouvé un allié de choix : David Cameron. Le Premier ministre du Royaume-Uni a rappelé le 26 avril son hostilité à la prise de contrôle du « champion national » par une autre société pétrolière, fût-elle sa « compatriote » hollando-britannique Royal Dutch Shell.

Une prise de position qui pourrait freiner les ardeurs de l’américain ExxonMobil, qui aurait les moyens de racheter BP, avec un résultat net confortable de 32,5 milliards de dollars en 2014 (contre seulement 3,78 milliards pour BP). Le numéro un mondial du secteur est particulièrement attiré par les gisements en eaux profondes de BP… notamment angolais.

UN NOUVEAU DUO AFRICAIN EN PREMIÈRE LIGNE

Le nouveau responsable de BP pour l’Afrique occidentale, et principalement pour l’Angola, n’est pas un inconnu. L’Africain-Américain Darryl Willis était vice-président de BP États-Unis chargé de la branche gazière lors de la catastrophe survenue sur la plateforme Deepwater Horizon. C’est lui qui a été choisi pour parler des réparations dans les médias et auprès des autorités.

Le fait qu’il ait grandi à La Nouvelle-Orléans, au bord du golfe du Mexique, touché par la marée noire, n’est pas anodin. Cet habile communicant a beaucoup contribué à renouer les liens entre la direction de l’entreprise et les États-Unis, mis à mal par les déclarations maladroites de l’ex-PDG Tony Hayward, parti en juillet 2010. Après un passage à Houston à la tête des opérations sous-marines, cet ingénieur diplômé de Stanford dirige les projets angolais en eaux profondes, techniquement complexes et médiatiquement moins exposés, depuis le début de l’année.

En Afrique du Nord, c’est désormais Hesham Mekawi qui est patron de BP. Cet Égyptien discret, diplômé de la faculté d’ingénierie du Caire puis titulaire d’un MBA de l’université de Boston, est entré en 1990 chez Amoco, racheté huit ans plus tard par le pétrolier britannique. Il a effectué toute sa carrière dans le groupe, d’abord aux États-Unis puis à Londres, à des postes financiers et de développement, notamment dans la branche exploration. En 1999, il est retourné dans sa région d’origine, devenant patron de BP en Algérie, avant de devenir responsable des activités égyptiennes en 2001, puis, en janvier 2014, de toute l’Afrique du Nord.

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